Musique. Après une dizaine de concerts pour défendre son album Stylus, le chanteur arrête les tours de chant. A 70 ans, il veut se consacrer à la composition et à l'écriture.
William Sheller a ses habitudes dans une brasserie de la rive gauche. C'est là qu'il fait escale lors de ses rares passages à Paris. Quelques mois après une série de concerts aux Folies Bergère, le chanteur sera sur la scène de la Salle Pleyel le 10 décembre, dans le cadre de ses toutes dernières apparitions sous la forme du tour de chant classique. Explications.
- Le Figaro : « Votre maison de disques vous a consacré une nouvelle intégrale cette année... »
- William Sheller : « Ils ont fait ça pendant que j'étais malade. Les responsables devraient se cacher dans les bois et ne plus jamais en sortir ! Les espèces de couleurs du coffret ressemblent à celles de chaises de grands-mères achetées en soldes. Ca a été fait par des crétins. Mais ce n'est pas maintenant que je vais changer de maison de disques... »
- « Vous êtes sur la route pour défendre Stylus, votre dernier album... »
- « Il ne me reste plus qu'une dizaine de concerts et après, j'arrête. J'arrête le côté music-hall. Ca m'emmerde. J'ai envie de faire ce que je rêve de faire depuis que je suis môme : écrire. J'aime beaucoup mieux composer un nouveau Lux Aeterna que de chanter Maman est folle. Surtout quand c'est douze fois d'affilée. Et puis maintenant, ça se délite. Tel violoniste ne peut pas parce qu'il a signé des contrats plus intéressants... On ne peut pas faire de concerts si on n'a pas de nouvelles choses à présenter. Tout le monde me réclamait un album pour faire des concerts. Non, on écrit, et suivant ce que l'on a écrit, on monte éventuellement une série sur scène ! »
- « Quels sont vos projets ? »
- « J'ai des propositions de l'Orchestre de l'Opéra de Liège, des propositions de Casadesus, de l'Orchestre national de Lyon. Ca m'intéresse beaucoup plus. On me dit : "Tu vas gagner moins", ce n'est pas vrai ! Ce qui ne m'empêchera pas d'écrire des chansons et d'en sortir de temps en temps, mais je ne veux plus axer ma carrière là-dessus. J'ai déjà fait des séries de concerts avec Casadesus, et ça marche ! C'est beaucoup de travail mais c'est tellement stimulant ! Dans l'espèce de coffret, il y a la création que j'ai donnée à Montpellier en 1985. On a dû couper deux minutes d'applaudissements. »
- « Allez-vous arrêter de chanter pour autant ? »
- « Je peux composer et chanter en même temps. Mais je ne veux plus ce sytème qui consiste à faire un disque, puis une tournée, suivie d'un autre disque. Cela convient à ceux qui ne sont qu'interprètes. Ils donnent la musique à un arrangeur qui préparera la sauce. Quand c'est prêt, ils chantent et puis c'est tout. Il n'y a pas tout ce travail d'écriture, d'enregistrement, de direction d'orchestre. »
- « Quels souvenirs avez-vous de vos concerts à Pleyel ? »
- « J'y ai donné des concerts symphoniques L'ancien directeur m'avait dit, au bout de trois jours : "Vous me rapportez plus d'argent que Beethoven". C'était Caradec qui programmait les concerts, il y a douze, quinze ans. C'était une belle salle, à l'époque. Je ne l'ai pas encore vue refaite. »
- « Vos concerts du printemps étaient très beaux... »
- « C’était avant que ma santé se déglingue. Chez moi, je ne pouvais pas marcher. J'avais accumulé trop de fatigue. Comme on a dû annuler pas mal de concerts, l'assurance a fait une étude. Un type est venu à la maison. Il m'a envoyé à la clinique Bizet. Je suis tombé sur un gars très bien qui a tout repris à zéro. On va me poser des puces qui réguleront les battements de mon cœur. Le médecin m'a demandé si j'avais déjà pris des coupe-faim. Je lui ai demandé si la cocaïne en était un... Je vais me faire opérer en janvier. »
- « Avez-vous beaucoup d'œuvres inédites dans vos cartons ? »
- « Oui, mais j'attends des gens intéressants pour les faire. Celui que j'aimais beaucoup, mais il ne veut travailler en France, c'est Mick Lanaro. Il a étudié l'électronique, il a été à la direction de production chez Warner, il a bossé avec Nougaro à New-York. J'aimerais travailler à nouveau avec Yves Jaget. Il sait bien prendre le son, la voix. Pour les trucs symphoniques, j'ai Alix Ewald, mais il faut lui mettre le grappin dessus. J'aimerais bien travailler à nouveau avec les Anglais, je m'amuse toujours beaucoup, mais en France il faut que la voix s'entende bien, quelle soit devant, pas fabriquée. »
- « Allez-vous écrire vos Mémoires ? »
- « J'ai commencé à travailler dessus mais cela me prend énormément de temps. J'espère m'y remettre sérieusement l'année prochaine. »