Une ligne de piano, une voix placée haut, des cordes en quatuor dans la foulée : c’est la patte Sheller, et le début de cet album qui renoue avec la réussite et le talent. « Depuis que j’ai fait fortune, je me suis acheté un jardin sur la Lune », écrit William Sheller dans le titre inaugural Youpylong. Dix morceaux, trente-trois minutes après sept ans d’attente, et le compte est réglé en douceur. William Sheller construit un subtil univers musical avec l’indicible vague à l’âme de l’homme heureux qui ne peut jamais l’être tout à fait – le temps passe, les souvenirs s’estompent et nous mourons–. Ce qui nous l’indique le mieux, c’est une petite pièce jouée au piano, Sweet Piece, l’un des deux instrumentaux de Stylus. William Sheller, influencé par une éducation musicale classique et par la révolution introduite par les Beatles, avance sur la ligne continue d’une pop élégante, qu’il a franchie en solitaire (Sheller en solitaire, 1991) ou en escadron rock (l’excellent Albion en 1994). Stylus est à l’épure. En conclusion, Sheller propose deux chansons aux accents intemporels, Les Souris noires et Walpurgis, poésie épique et chants de trouvères. Voilà son audace, pour un Stylus qui poursuit une tournée sans faute avec un quatuor à cordes. Il a répété qu’il s’était lassé de la formule et pensait à autre chose. Pour patienter, et parce que le temps est cyclique, Sheller a repris Comme je m’ennuie de toi, une chanson publiée une première fois en 1975 dans Rock’n’dollars, l’album qui a failli lui coller une image de rigolo pour le restant de ses jours. Ici, elle se fond sans escarmouche dans la soie brumeuse de Stylus.