Depuis la ballade Un homme heureux (1991), William Sheller est devenu indissociable de l'instrument. Une étiquette romantique parfois un peu encombrante pour un chanteur redoutant de « se laisser piéger dans une image » et aimant plus que tout « changer de style d'un morceau à l'autre ». « Certains croient même que je suis né en 1990 », s'agace Sheller, qui fêtera ses 70 ans en juillet.
Catalogué « rigolo de service » après un premier tube en 1975, Rock'n'Dollars, moquant l'usage de l'anglais dans les chansons en français, il regrette d'être devenu ensuite « le chialeur de service ». Or, « Un homme heureux n'est pas du tout pour moi une chanson triste, c'est plein d'envie, plein d'espoir », assure-t-il à l'AFP.
C'est avec son fidèle piano en première ligne, accompagné d'un quatuor à cordes, que William Sheller a enregistré son nouvel album, Stylus (Mercury/Universal). Une façon « d'en finir » avec la formule éprouvée lors de sa dernière tournée: « Après, on va me foutre la paix! J'ai conçu cet album en me disant que c'est un album de transition... »
Sheller et son piano, c'est une histoire qui dure : il a joué ses premières notes à dix ou onze ans sur celui de sa grand-mère et n'a depuis jamais fait d'infidélités aux touches noires et blanches. « Un piano, ça peut sonner comme un piano mais ça peut aussi sonner comme un orchestre, alors qu'une guitare par exemple, ça sonnera toujours comme une guitare », relève-t-il. « Il y a des périodes parfois où il ne raconte rien, il fait la gueule ! Alors je n'insiste pas, ce n'est pas la peine. Et à d'autres moments, ça vient tout seul ! », remarque-t-il.
« Répulsion » envers le jazz
De son éducation classique, avec le professeur Yves Margat, lui-même ancien élève du compositeur Gabriel Fauré, Sheller a gardé le goût de la transmission : il a glissé dans son album deux courts instrumentaux dont l'objectif revendiqué est d'offrir à ses fans musiciens des pièces classiques abordables pour les divertir de Mozart ou Chopin.
Pour le reste, il évoque dans ces nouvelles chansons ses réflexions de père et de grand-père sur des musiques oscillant entre pop britannique (Youplong, Une belle journée) et arrangements plus classiques (Les enfants du week-end, Bus stop, Walpurgis).
Il revisite aussi, au beau milieu de cet album, son premier depuis sept ans, une pépite de 40 ans d'âge, Comme je m'ennuie de toi, parue sur son premier disque en 1975.
Plus inattendu, il termine aussi par une petite chanson jazz, un genre pour lequel il n'a jamais caché une « répulsion » héritée notamment des souvenirs difficiles de son enfance aux Etats-Unis où ses parents recevaient chez eux de grands musiciens comme Dizzy Gillespie ou Oscar Peterson.
« C'était des copains de mon père. Mais recevoir des blacks à la maison, en 1952, cela voulait dire recevoir des coups de pelles des voisins », assure William Sheller. « C'était l'enfer. Il a fallu déménager. »
De plus, « le jazz, c'est pour moi, un présent permanent qui défile, il n'y a pas un lancement, un summum et une résolution, il n'y a pas de discours », estime le musicien.
Il a dû annuler un concert dimanche soir à la Maison de la Radio pour des raisons de santé mais sa maison de disques a assuré qu'il ne s'agissait que d'une petite fatigue qui ne l'empêchera pas a priori d'assurer les concerts prévus les 8 et 9 décembre aux Folies Bergère.