L’énigmatique dandy de la chanson sort un treizième album. «Stylus» ne parle que de ça, d’écriture.
A l’écouter, William Sheller n’a pas pris sept ans. Ni même de rides qui gâteraient Stylus, treizième album fidèle au style épuré de ses dernières tournées, gravé au stylet d’une inspiration pointant la mélancolie. A l’entendre en piano solo ou quatuor à cordes, le Franco-américain rêve toujours d’habiter dans une maison jaune sur la face cachée de la lune, rebaptisée Youpylong par des voisins membres du Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.
Plus loin, le septuagénaire aux airs de vieil ado guette un avion rouge dans le ciel bleu, histoire de vivre Une bien belle journée. Ou guette la fin des amours qui posent des valises de Marilyn au Bus stop. En quelques titres, le gentleman discret convoque ses amis de toujours, le quatuor belge Stevens, sobre et vigoureux.
Deux instrumentaux notent qu’il put ambitionner d’être « un petit Beethoven, sinon rien ». Que le jazz devint sa sainte détestation pour avoir été obligé, gamin, d’en écouter en silence, ses meilleurs disciples. Que l’opéra symphonique, vaste champ expérimental des musiciens d’une autre ère, reste son jardin secret. Ni compositeur classique, ni chanteur pop, l’artiste s’époumona Comme dans un vieux rock’n’roll, et fut encensé pour s’être mis à nu un jour, Un homme heureux.
Ses histoires respirent le malentendu anachronique. Ainsi du disque « rayé » du bluesy Walpurgis. Mais Stylus refuse l’inélégance de geindre, vise l’autodérision du moine bouddhiste, du « Petit Pimpon qui n’a plus d’essence ».
La simplicité ici, touche au riche dénuement, s’attache à remettre l’essentiel dans les cordes au ventre du piano. Ainsi vont Les enfants du week-end, qui regrette déjà « tout ce qu’on n’a pas eu le temps de s’offrir ». Avec une conviction souveraine: si le temps a creusé le personnage de William Sheller, c’était pour lui fabriquer des certitudes.