Musicien rare à l’élégance déconcertante, William Sheller passera par l’Ogive de Chevigny les poches pleines de tubes.
Atypique, surdoué, audacieux, William Sheller a un don, celui d’empoigner les émotions de son auditoire, comme un judoka ceinture noire de pentatonique. Les yeux rivés sur son piano, comme possédé par les innombrables variations auxquelles l’objet est prédisposé, il explique avec le débit d’un prodige incompris toute la magie qu’il perçoit dans ce bouillon mathématique.
Grand manitou de la chanson française, Sheller est avant tout un compositeur au génie précoce, un talent découvert enfant et qu’il ne tarde pas à « saborder », abandonnant son cursus classique à l’écoute des premiers disques des Beatles. Lancé sur la route du rock et de son approximation, il compose pour Les Irrésistibles la musique de My year is a day, tube planétaire qui fait son tour du monde en 1968. Le titre apparaît aujourd’hui doucement vintage.
Renonçant un temps à l’interprétation pour se concentrer sur ses travaux d’arrangeur, orchestrateur ou de compositeur, il pousse pourtant la voix sur un titre aux accents ironiques, Rock’n’dollars. On est 1975. Propulsé par la télévision, et omniprésent sur les radios avec une chanson écrite en cinq minutes, Sheller restera marqué par le succès facile et prendra ses distances, blessé dans son orgueil. Dès la fin des années 70, il veut assembler son héritage savant à la chanson populaire, et va trouver l’inspiration sur scène, là où le public le suit. Travaillant des arrangements toujours plus mélodiques, toujours plus éloignés des musiques sérielles qu’il a étudiées plus jeune, il écrit surtout des textes, des dizaines de textes à portée humaine. Quelques mots harponnés dans le lexique usuel, une expression surannée, avec une voix qui, telle une berceuse, raconte des histoires à rêver les yeux ouverts, l’alchimiste Sheller concocte ses sortilèges en bon artisan.
D’un premier philtre d’amour sorti en 1975, il mettra ainsi la décennie 80 au service de la scène, avant de s’offrir ses plus grands succès au début des années 90, avec Sheller en Solitaire, album phare qui concrétise l’équilibre tant recherché. Un équilibre entre les ambitions dévorantes de sa folie mélodique et une vraie timidité vocale, vaincue par le bon sens : « Les auteurs sont un peu comme les chorégraphes : ils ne mettent jamais les pieds sur les bonnes notes… »
Grâce au quatuor à cordes qui accompagnera le chansonnier dans ses gammes nonchalantes, cette configuration plutôt intime devrait lui permettre de fêter, au plus près de son public, ses trente ans de succès.
Concert jeudi 27 mars, à 20 h 30, à l’Ogive de Chevigny.