Pour le dernier concert de sa tournée avec quatuor à cordes, William Sheller était à Mérignac (33) vendredi soir. Un bonheur de finesse, d'humour tranquille, de poésie et de musique soyeuses. Sheller, quoi.
On ne change pas une équipe qui gagne. Sheller et ses confessions. Sheller et ses souvenirs. Sheller et ses introductions de chansons parfois longues... comme une chanson. Mais à l'instar d'un Charlélie également orfèvre en la matière et contrairement à des bavards ennuyeux, écouter ce discret orfèvre de la chanson contemporaine est un plaisir. Le bonhomme a l'anecdote nostalgique et vivante, l'image juste et forte, les mots qui touchent. Comme dans ses chansons, en fait.
L'opéra Madame Butterfly à l'origine du Capitaine, la vieille carte postale aux deux danseurs pour Cuir de Russie, les petits matins flous pour Les filles de l'aurore : Sheller est un conteur complice, vieillit rond, chuchote ses souvenirs d'enfant avec des mimiques de hibou à la Claude Piéplu. Mais dès qu'il se met à chanter, c'est le dandy classique à la trentaine de standards qui s'impose à nouveau. Un sens de la mélodie imparable.
Avec lui, quatre cadors des cordes nantis de deux violons, un alto et un violoncelle. Formation idéale pour accompagner le pianiste, pour réussir même à faire groover le blues d' Un archet sur mes veines. Les versions de Fier et fous de vous et de Nicolas sont aussi des sommets d'une première partie royale. Car à 67 ans, M. Sheller goûte un entracte de 20 mn, un peu long. La seconde mi-temps est un peu en-dessous : après avoir joliment évoqué Barbara pour qui il a travaillé, il livre un Vienne un peu lourd. On redécouvre par contre la méconnue Loulou et les royales Orgueilleuses.
Le bémol est léger. Sheller nous raconte la naissance de ses chansons depuis quarante ans et on ne s'en lasse pas. Parce qu'il est l'un des auteurs les plus fins et inclassables de la chanson. Parce qu'on le découvre ou le retrouve avec un plaisir classe et délicat. Intemporel. Seul au piano, il déroule en rappel Un homme heureux, Dans un vieux rock'n roll, Le carnet à spirales et les magiques Miroirs dans la boue, trio magistral pour précieuses retrouvailles.