De C’est comme dans un vieux Rock’n’roll au Carnet à spirale, des Filles de l’aurore à J’me gênerai pas pour dire que j’t’aime encore, William Sheller, l’un des invités d’honneur des Nuits musicales du Suquet, a ciselé des chefs-d’œuvre pop à la française. En pleine tournée, il a pris le temps de répondre avec soin à nos questions.
La classe, toujours…
- Cannes Soleil : « En 35 ans de carrière, vous avez su constamment vous renouveler. Qu’est-ce qui vous a guidé dans ces changements et ces évolutions ? »
- William Sheller : « La curiosité, l’intérêt, les rencontres, la crainte de la routine et du formatage. J’ai été nourri par un grand-père décorateur de théâtre et d’opéra à des musiques d’horizons très différents et n’ai jamais pu m’astreindre à n’exploiter qu’un seul genre ou une seule culture musicale. C’est ainsi que j’ai été amené à étudier le gagaku, musique japonaise imépriale et à l’introduire à l’occasion dans un chanson. »
- Cannes Soleil : « Vous êtes l’un des plus grands mélodistes de la chanson française. A-t-on raison d’y voir un goût affirmé pour la pop anglaise, Beatles, Kinks, etc. ? Comme Paul McCartney, d’ailleurs, vous avez composé de la musique plus "classique". Y-a-t-il un lien entre ces deux musiques ? »
- William Sheller : « Pour moi il n’y a qu’une seule musique, seules les époques, les modes, et les chapelles font la différence. J’ai toujours été sollicité par des mélodies. J’ai appris l’écriture musicale, harmonie, fugue, contrepoint, auprès de mon maître Yves Margat, un élève personnel de Gabriel Fauré, et n’ai jamais pu me résoudre à rejeter définivement la mélodie et la tonalité pour raison de modernisme et d’avant-garde. Non que je sois réfractaire, mais je sens que je ne suis pas concerné. Lorsque j’ai entendu les Beatles et la fusion qu’ils opéraient entre les genres, à la fois populaire et savant, j’ai compris qu’ils ouvraient une voie dont j’étais à la recherche. J’ai écrit des chansons mais aussi de la musique de chambre ou d’orchestre sans me soucier de recadrer les idées dans un genre ou un autre. Il faut d’abord faire, on expliquera éventuellement après ».
- Cannes Soleil : « Beaucoup de vos chansons ont reçu un extraordinaire accueil public et sont entrée dans le cœur des gens. Comment le ressentez-vous ? »
- William Sheller : « C’est curieux, car j’ai pu constater que c’est ce que l’on entend sans le rechercher, ce qui vous entre avec obstination dans les oreilles qui trouve un écho dans le cœur du public. On peut toujours "trousser" une musique pour tel ou tel propos, et même écrire quelque chose d’intéressant, mais cela n’aura jamais la même portée en profondeur. »
- Cannes Soleil : « Quelle(s) chanson(s) de votre répertoire, moins connues que vos grands succès, aimeriez-vous que le public redécouvre et pourquoi ? »
- William Sheller : « Il est vrai que l’exploitation d’un album de chansons se limite à un titre ou deux, le reste étant ignoré. Ce qui est choisi l’est en fonction d’une supposée facilité d’écoute, en fonction des aptitudes artistiques des commerciaux, ce qui n’est pas toujours un critère. Il est certaines chansons dont on regrette qu’elles n’aient pas eu la même diffusion. Je pense à une chanson comme Loulou, écrasée par Un homme heureux. »
- Cannes Soleil : « Vous donnez l’impression d’être très indépendant des différentes chapelles de la chanson française. Mais quels jeunes artistes attirent actuellement votre attention ? »
- William Sheller : « On ne peut retenir tous les noms des immenses révélations de l’année qu’on nous assène au quotidien depuis quelques temps. On entend beaucoup de rengaines à chevaux de bois avec des textes sans originalité et qui se ressemblent toutes. Il y a une sorte de culte pour "le voisin du dessus qui fait des choses pas mal". Pourquoi pas d’ailleurs, mais cela occulte de jeunes talents bien réels qui arrivent à peine à se faire entendre et dont on n’a pas le temps de retenir les noms. C’est dommage…Où sont les prochains "Grands" ? »
- Cannes Soleil : « Vous allez vous produire à Cannes dans le cadre des Nuits musicales du Suquet, un festival en plein air. Connaissez-vous la manifestation ? Quel type de spectacle allez-vous présenter ? »
- William Sheller : « Oui je connais ce festival de réputation et sa programmation très éclectique. J’ai grand plaisir de m’y savoir invité. Je vais y donner une soirée au piano, pas tant un spectacle qui se projette hors de la scène mais un récital qui se veut réunir les spectateurs autour du piano. Un quelque chose qui ressemblerait, au dire d’amis pianistes classiques, à des sortes de Schubertiades d’aujourd’hui mais je leur laisse l’opinion ! »
* Nuits musicales du Suquet, Piano solo, William Sheller, 26 juillet, 21 h 15