Musique
William Sheller
Piano solo
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A Paris, cinq concerts aux Bouffes du Nord du 16 au 20 mars.
Puis à Clichy le 2 avril, à Laval le 9 avril.
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Monsieur William s’agite derrière le bar de son hôtel parisien. un bar « self-service », idéal pour un artiste électron libre, qui n’aime rien tant que s’affranchir des conventions, mixer à son rythme belles notes et beaux sons. En cherchant une bouteille de jus d’orange, le musicien parle de choses essentielles : de Chopin, qui lui a inspiré telle orchestration, de Colette et de George Sand… et bien sûr de ses concerts au piano solo, qui vont le conduire dans une salle qui lui plaît beaucoup : Les Bouffes du Nord. C’est l’humeur du moment. Jouer dans des salles de taille modeste, hors des circuits rebattus. William Sheller imagine d’autres lieux insolites, comme le petit théâtre du musée Grévin, ou des salons de grand hôtel. Qu’il serait doux de relancer « le rituel des salons » !
Cela faisait trois-quatre ans qu’il n’avait pas donné de concerts piano-voix : « Le piano , c’est mon nounours », confie-t-il. Et puis, il aime en jouer en souvenir de sa marraine et complice, Barbara. Un beau jour des années 1970, alors que William interprète Marienbad au piano, la chanteuse claque théâtralement son poudrier et lui dit : « Tu devrais chanter ». Il s’insurge : « Je n’ai pas de voix ». « Moi non plus », lui répond-t-elle du tac au tac. « Prends ton piano et chante ! » On connaît la suite : trente-cinq ans de chansons pop modernes et d’œuvres classiques, une pluie de tubes que rien ne démode, jusqu’au dernier flamboyant album Avatars (2008), enregistré à Abbey Road, dont un critique admiratif a dit : « On dirait un best-of de William Sheller, mais avec des chansons nouvelles ».
Foisonnant répertoire
Pendant deux heures de tour de chant, modulé chaque soir en façon des réactions (« Je chante pour des gens, pas pour un "public"»), le musicien va donc puiser dans son foisonnant répertoire. Il y aura bien sûr des incontournables comme cet Homme heureux, écrit très vite, dont il est « heureux » qu’il fasse aujourd’hui partie du patrimoine de la chanson française. De Barbara, il chantera sans doute Vienne, une de ses rares chansons qui peut être chantée indifféremment par un homme ou par une femme, et qui évoque une ville ivre de musique, où il aime se retrouver. Dans la salle magique des Bouffes du Nord, pleine de craquements dignes d’un vieux vinyle, Monsieur William donnera à coup sûr le meilleur de lui-même. « Je ne suis pas un grand pianiste, affirme-t-il modeste, toutefois j’ai le sens du son de l’instrument. »
Le piano solo c’est bien, mais pas ad vitam æternam… A soixante-trois ans, le musicien a encore une vie de musique devant lui. « J’écris beaucoup en ce moment… des morceaux qui ne verront le jour que dans trois ans ». William Sheller compose sans se soucier du genre : certains morceaux finiront en chansons, d’autres en concerto (néo) classique. Une chose est sûre : « C’est très dur d’écrire ». D’autant qu’il fait feu de tout bois : mélodies, orchestrations, mais aussi paroles. Avec Gainsbourg, il est un des rares à avoir su faire sonner « pop » la langue française. Après les concerts intimes, il reviendra peut-être à des formules à grand spectacle, songe à un opéra (vidéo). Il a envie de faire du neuf, dopé par les jeunes producteurs créatifs dont il s’est entouré. Inventer, dans un monde musical dominé par un show-biz qui le désespère n’est pas chose facile. Mais pour Monsieur William rien n’est impossibble. C’est en se détachant de son temps qu’on parvient à rester en avance.