Eure-Infos
20 octobre 2009
-concert piano-solo à L'Espace Philippe-Auguste de Vernon, 17 octobre 2009-

Sheller presque parfait...



Samedi aurait pu/dû être un jour parfait, comme celui que chante Lou Reed. Seulement, il devait y avoir un truc dans l’air, un petit grain de sable imperceptible, gênant comme un caillou dans une jolie chaussure. Déjà l’après-midi, du côté de Mérey, quelques poneys semblaient perturbés, refusaient le bon sens, de se prêter au petit manège auquel ils consentent sans rechigner chaque samedi pour les enfants apprentis cavaliers, gênant les autres dans leur application, l’interprétation de leur partition. Les animaux ressentent ce genre de choses mieux que nous. Encore que.  Le soir à Vernon, William Sheller a confirmé ce qu’on pressentait. Il s’est présenté seul en scène devant un Espace Philippe-Auguste comblé. Il s’est excusé. Pour lui aussi, ce samedi devait être un jour parfait, mais le matin il s’est réveillé avec un caillou dans sa chaussure, à peine deux notes en bouche ; une roche dans la chaussure pour qui doit chanter le soir même. Panique. Pas la grippe porcine, non. Un de ces trucs qu’on attrape dans les trains, dira-t-il. Et qui l’a laissé sans voix. Il aurait tout annulé sans quelques potions magiques d’un professeur de médecine de Rouen dépêché à son chevet. Merci à lui. Il s’est installé derrière son piano. A prévenu que les aigus pourraient manquer de clarté. La médecine ou/et la technique vocale du chanteur n’auront rien laissé transparaître. On aurait presque oublié que l’artiste était dans une petite forme s’il ne l’avait pas rappelé au public au moment… du rappel. Il l’écourtera après un concert au cours duquel il aura cédé à la manie/mode du making of, expliquant comment lui sont venues ses plus belles compositions. Du cauchemar qui donnera Oh j’cours tout seul, à la petite mélodie qui au bout du bout de la nuit l’a titillé jusqu’à donner Les Filles de l’aurore, en passant par la découverte d’une Genève contemporaine à mille lieues de la ville qu’il fantasmait. Le compositeur amateur aura apprécié la leçon, même si ces secrets de cuisine cassent un peu les histoires que chacun peut se raconter.
A franchement parler, ce concert était bien. Enfin aurait été bien s’il n’y avait eu sur le siège voisin une fanatique de William Sheller. La fan de… Avec des chansons dans lesquelles les Bretons ont observé qu’on dirait qu’il pleut, on aurait pu l’imaginer tout en retenue, en mélancolie, voire en dépression. Eh bien pas du tout. La fan de William Sheller est comme celle qu’on imagine hystérique durant un concert de Jean-Louis Mougeot (plus connu sous le pseudo de Françoys Valéry). Elle bat la mesure avec ses pieds, ses bras, tout son torse, elle connaît par cœur les paroles de toutes les chansons qu’elle vit et chante plus fort que l’artiste. Normal, elle est sur le fauteuil à côté de vous, alors que lui est à une bonne dizaine de mètres. Et surtout, surtout, elle met un point d’honneur à être la première à applaudir lorsque la chanson s’achève, lorsqu’elle ne ponctue pas ses applaudissements d’un bravo, bruyant, exubérant. C’est peut-être bien pour l’ambiance, mais pour ce qui est d’un samedi parfait…