La Croix N°38251
6 janvier 2009

William Sheller, entre musique symphonique et mondes virtuels
(par Robert Migliorini)



Trois ans après
Epures (1), et sa première intégrale le compositeur, auteur et chanteur franco-américain revient avec un album inspiré et singulier.


« Je démarre quasiment une deuxième intégrale ». William Sheller, arrivé à la soixantaine, reconnaît qu’il n’a jamais eu de plan de carrière bien précis. Il compose au gré de son inspiration, mariant alternativement les arrangements classiques - un art, une ascèse, auxquels il a été formé par le Conservatoire (2)-, et les musiques fluides anglo-saxonnes, découvertes en écoutant les Beatles. Depuis, il aime mêler les genres, en toute liberté. Quatuors et pièces symphoniques, hier une messe, demain un opéra, s’inscrivent à son catalogue savant, suivies de chansons sophistiquées, des dizaines depuis Rock'n'dollars, en 1975. Récemment, il a confié l’une de ses œuvres à l’orchestre Ostinato, pour ses 10 ans (3). Puis les enfants des écoles de la région Centre ont goûté quelques-uns de ses textes et musiques connus par la radio. Sheller aime surprendre, comme avec son tout récent album de 12 titres, Avatars, que l’on peut déjà placer en tête de liste des œuvres à retenir.
Le Franco-Américain, dont une partie de la famille vit outre-Atlantique, présente ses Avatars avec la pointe d’humour tranquille qui le caractérise. Un album baroque où le maître du piano-voix aux accents mélancoliques renoue avec les orchestrations flamboyantes et les écritures surréalistes, déroutantes, codées.
Il a toujours aimé déjouer les idées reçues. Certains l’imaginent vivant tel un ermite, loin de Paris. « J’ai des voisins, une vie sociale », précise-t-il. Le Solognot d’adoption, qui joue, sur l’orgue du village, du Bach ou du Fauré, s’investit dans les mondes les plus contemporains, comme celui d’Internet. Ce sens de l’illusion se traduit, pour ce familier de l’art du masque et du maquillage, par une couverture confiée à un graphiste qui a travaillé dans la lignée d’un peintre américain. Son portrait traduit la rencontre de l’humain et de l’animalier, un hybride. « Je veux aussi évoquer les grands espoirs, les grandes utopies, tout ce qui échappe au marketing. Avec le maximum d’images », livre Sheller.

Les douze titres au contenu énigmatique invitent à explorer des mondes nouveaux

Avatars explore les mondes virtuels et renoue avec des arrangements éclatants et travaillés. Réalisés par Jacques Erhart, arrangés par Yvan Cassar (4), les 12 titres au contenu énigmatique invitent à explorer des mondes nouveaux, avec des accents symphoniques et électriques bien compris. Les personnages sont improbables et vivent les émotions de ceux qui fréquentent des mondes sans frontières.
L’album a été conçu à l’ancienne, très écrit. Cordes, cuivres, dialoguent avec des guitares électriques dignes de George Harrison. Un vaste monde, entre énigmes et quête de bonheur, s’y déploie. « Tout ira bien », chante-t-il. Arpenteur de territoires à explorer, William Sheller, ne manque pas de culot dans cette entreprise. Bien joué.

----
William Sheller, Avatars [Mercury/Universal]

----
Notes du site :
(1) Epures est paru en novembre 2004, c'est-à-dire 4 ans avant Avatars.
(2) William n'a pas fait ses études musicales dans un Conservatoire mais auprès d'un maître de musique particulier.
(3) L'œuvre en question, la "Symphonie Sully", n'a pas été confiée à Ostinato spécifiquement pour ses dix ans, mais écrite à l'intention de cet orchestre en 2004 sur une commande du Festival de Sully-sur-Loire. Elle a cependant été jouée au Théâtre du Châtelet pour l'anniversaire d'Ostinato.
(4) Les arrangements de l'album Avatars ont été écrits par William Sheller lui-même. Yvan Cassar était le chef d'orchestre durant les enregistrements.