L'Avenir
22 novembre 2008

L'homme à la tête de chien
(par Audrey Verbist)


Il tousse. S'excuse : « Je vis à la campagne, alors, dès que je viens en ville, je crache mes poumons. J'ai arrêté de fumer, mais il y a deux ans seulement. Du coup, j'ai pris huit kilos. » William Sheller est à Bruxelles pour parler de son nouvel album Avatars. Il se dit mauvais chanteur et mauvais pianiste et n'a pas sa langue (de bois) dans sa poche.

- « Votre album, il sonne très Beatles... »
- «  Ben oui, à fond. C'est un machin que je chantais sous la douche [Il fredonne l'air]. Je l'ai noté, je l'ai joué au piano à Dominique Miller - c'est le gars qui travaille avec Sting -. Il m'a dit "Ah c'est marrant, ça sonne Beatles ton machin". Faut y aller, faut pas hésiter. C'est trop marrant. On ne va pas se cacher de faire un morceau qui respire un peu. Ça change de Carla Bruni. La chanson française c'est la voix devant, avec une petite guitare dans le fond et un texte qui ne dérange personne. On ne s'amuse plus avec l'effet stéréo. Là dans l'album la caisse claire est par là, les tommes sont de l'autre côté... On a perdu ça de jouer avec le son. »

- « Mais vous, avec le temps vous pouvez vous permettre plus de choses... »
- « Ce n'est pas toujours évident. Quand je suis rentré d'Angleterre avec Albion, en hard rock juste derrière Un homme heureux, ça a été le rejet total. Personne ne l'a entendu sauf les plus jeunes qui le découvrent maintenant. J'ai trouvé des morceaux sur YouTube avec des mecs qui ont fabriqué des images 3D dessus. C'est génial, j'aime beaucoup ce qu'ils ont fait vingt ans après. »

- « Vous écoutez beaucoup de musique ? »
- « Non parce qu'il y a beaucoup de merde. J'écoute les CD de mon fils, je me trimballe sur les myspace. Beaucoup c'est de la sous-brit pop, ça m'enquiquine. J'aime bien Arctic Monkeys, j'aime bien Marylin Manson. Quand on passe derrière le folklore, la production de l'album est magnifique. » 

- « Là, l'album, c'est un mélange de rock, de classique, de pop... »
- « C'est les années 60-80. C'est mon époque, je ne vais pas la renier. Si je me mettais à faire du rap, je serais complètement ridicule. »

- « Vous avez bien fait du hard rock... »
- « 
Mais c'était mon époque. Puis c'est vrai que j'ai été un peu dépassé par la furie anglo-saxonne des gars avec qui j'ai travaillé. Mais je ne regrette rien, c'était des aventures. Je vais continuer. Tout ce que je voulais, c'était casser avec Un homme heureux et le chanteur mélancolique avec son piano cercueil. J'en avais vraiment marre. »

- « Vous la chantez encore... »
- « Ben... si je ne la chante pas, c'est le goudron et les plumes... Puis quelque part les gens ont envie de voir un artiste chanter la chanson qu'ils aiment bien. Je ne vais pas leur refuser ça. On est quand même des saltimbanques, on a été payés pour. On est là pour offrir un spectacle. Ce que je déteste c'est ceux qui pour s'en débarrasser font un pot-pourri à la fin. Non, on les chante comme les gens aiment bien. C'est bien le minimum qu'on leur doit. »

- « Vous n'êtes pas le genre de type qui fait dans la nuance... »
- « J'en ai marre de faire des "moyen moyen". Il arrive un moment où les nuances et les machins... Il y a des gens qu'on aime bien voir parce qu'il y a un côté humain, une chaleur, l'affection. On ne va pas leur demander la lune. C'est pas négatif, mais j'avoue que j'aime mieux fréquenter les gens qui ont un petit peu de culture. Parce que, l'âge venant, j'ai un peu moins de temps à perdre. On a tendance à être un petit peu moins tolérant avec la connerie. C'est peut-être ça... »