Le Parisien
30 octobre 2008

William Sheller: « Je suis un dinosaure »
(par Emmanuel Marolle)




C’EST L’AIR Sheller. Un visage marqué par le temps, des fripes d’adolescent : bermuda, baskets, chemisette XXL. « Je me suis toujours habillé comme ça, c’est ma jeunesse, les années 1960,  rétorque l’intéressé, amusé. Et puis, à 62 ans, j’ai envie d’être à l’aise. Regardez Polnareff dans son truc de cuir l’an passé, c’était pas terrible. »
William Sheller a peut-être pris un petit coup de vieux. Mais son esprit bouillonne comme un jeune homme. A l’image d’Avatars, nouvel album, sorti lundi, où il renoue avec son rock symphonique entre guitares électriques et cordes classiques, après une escapade seul au piano le temps d’Epures en 2004. « Oh, mais ça, c’était juste une parenthèse, un brouillon fait à la maison, tempère-t-il. Parce que sinon, je veux sortir du piano-cercueil, de l’artiste mélancolique et de L’Homme heureux. Ce tube, c’est un boulet en or. J’en ai un peu marre. »
Le musicien dégage ainsi une nonchalance de revenu de tout, veillant à ne « s’enfermer dans rien ». « Il y a un vrai ralentissement de la création aujourd’hui. On essaie de produire à peu de frais la même chose que ce que le voisin a vendu. Il n’y a plus d’aventure, à part des gens comme Camille. Sinon, on tente juste de tenir les murs pour que ça ne s’écroule pas. »

« J’ai le sentiment d’être plus compris qu’à l’époque »

Sheller vogue loin de cela. Son album a coûté cher mais sa maison de disques le suit. « Je fais partie des dinosaures pour elle. J’y ai vu défiler 12 ou 13 patrons, alors… Même si mes derniers albums ne se sont pas énormément vendus, elle se rattrape sur les anciens et les compilations. » Pour un peu, il passerait presque pour un vieux bougon anachronique quand il parle de l’enregistrement d’Avatars.
« Moi, j’aime écrire la musique chez moi, puis réunir plein de musiciens et enregistrer tous ensemble en studio. Mais en France, ce n’est plus possible. Il n’y a plus de maintenance. J’étais consterné. Tout le monde fait ses disques chez soi et n’utilise plus de vrais studios. Moi, ça, ce n’est pas mon truc. »
Sheller n’en est pas pour autant réactionnaire. Au contraire. Les Avatars de son album ne sont pas loin de ceux qui circulent sur les mondes virtuels du Web. « Internet est un outil fascinant, qui m’a permis de récupérer des vieux trucs à moi que j’avais perdus, des enregistrements pirates que l’on pouvait télécharger. J’ai également mis en ligne tous mes anciens clips puisqu’ils ne passent plus à la télé. Et puis les mondes virtuels, j’en parlais déjà dans mon album Univers en 1987. Certains textes étaient alors pris pour des trucs fachos. Aujourd’hui, ces mêmes chansons ont inspiré des vidéos à des mômes que l’on peut voir sur Dailymotion. Cela me rassure. J’ai le sentiment d’être plus compris qu’à l’époque. »

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* William Sheller « Avatars », Mercury, 17,50 €