La Dépêche du Midi
24 mai 2007
-article avant un concert au théâtre Jean Alary de Carcassonne, 25 mai 2007-

CONCERT
William Sheller et son inséparable piano, en scène au théâtre Jean Alary, ce vendredi.

«J'ai une secrète passion pour Bide et Musique»

(par Céline Samperez-Bedos)

 


Le public se rappelle encore du dernier passage de William Sheller, à Carcassonne, au festival de la Cité, en juillet 2000. La pluie s'en était mêlée. Ses musiciens ont dû abriter leurs instruments. Il a continué seul, au piano. Et le concert fut magique. L'homme de notes et de lettres à l'univers unique vient livrer un bouquet printanier, au théâtre Jean-Alary, ce vendredi 25 mai à 20 h 30. Il a bien voulu répondre à quelques questions, par mail.


- La Dépêche du Midi : «Après ce concert mémorable, que nous réserve votre venue cette fois-ci ? Allez-vous puiser dans la besace de vos 30 ans de carrière ?»
- William Sheller : «Je me le rappelle bien aussi, nous avions passé la journée à appeler le service météo en nous demandant s'il fallait annuler ou pas. Malgré la menace nous n'avions pas voulu décevoir le public qui commençait à arriver, armé de parapluies. Espérons que cette fois-ci ce ne sera pas un cyclone qui me contraindra à finir avec un pipeau ! Plus sérieusement, je reviens seul avec un piano et bien entendu j'interpréterai des chansons écrites dans les années passées. Peut-être à cause de ma formation classique, je ne considère pas les anciennes chansons comme de vieux «tubes» mais comme un répertoire où je puise un programme qui varie parfois.»

- «Vous jonglez entre une formation classique et un goût prononcé pour le rock. Quelles seront les couleurs de votre prochain album? Ses histoires ?»
- «Je vais publier à la rentrée le CD d'un concert live enregistré lors de la dernière tournée où j'ai chanté en quintette piano-quatuor. Cela donne encore une ambiance particulière aux chansons récentes ou anciennes. Oui, j'aime profondément le classique mais je suis aussi de la génération du rock, et d'instinct j'ai souvent mélangé les deux. C'est ce que l'on retrouvera dans l'album que je suis en train de préparer, sans complexe, sans me poser de questions d'esthétique ou d'appartenance à un genre ou un autre. Les histoires ? Présentement je n'en ai aucune idée. J'ai besoin que la musique soit terminée et enregistrée pour y faire intervenir un personnage, une histoire.»

- «D'où vous vient cette inspiration pour ces histoires de solitude, d'amours difficiles, ces balades échevelées où l'on se prend à imaginer des chevelures de femmes, prises entre les griffes des arbres de quelque sombre forêt de Poe ou du marais de Sand ? Quels sont vos auteurs favoris ? Quels sont les siècles passés ou futurs où vous aimeriez vivre ?»
- «Quelles que soient les chansons, on n'entend dans la majorité que des histoires d'amour difficiles, de regrets, de solitude mélancolique, d'amours impossibles - surtout celles qui permettent aux dames de crier très fort -, je ne vois pas en quoi ce que j'écris est si différent des autres. Je m'attache peut-être plus à en faire vivre les images, je dirais à travers des "textes-caméra" plutôt qu'à travers des mots genre : "je t'attends", "tu es ma vie", "le vent dans mes larmes" etc. J'aime laisser l'imagination vagabonder, et apparemment vous n'en manquez pas à vous entendre… (sourire). J'aime effectivement les auteurs romantiques, Nerval, Sand, Poe, Baudelaire mais aussi Colette et Cocteau pour les plus proches. J'aurais aimé vivre au XVIIIe siècle, le siècle des lumières, mais d'un autre côté c'était un temps où l'on se faisait arracher les dents à vif et autres gâteries du même genre, alors je préfère finalement rester dans mon époque.»

- «Que pensez-vous de la "nouvelle scène" de la chanson française ? Quels sont les artistes français ou internationaux que vous écoutez ?»
- «Quelle nouvelle scène ? De nouveaux talents certainement depuis ces dernières années, mais rien de neuf. Je vois d'une part un retour de la chanson française traditionnelle au travers d'artistes comme Benabar, Sanseverino, Ridan par exemple, et d'autre part la chanson influencée par le rock ou la pop anglo-américaine comme M, ou Calogero, suivis d'un bon nombre de jeunes groupes qui ont bien du mal à percer. Ensuite pour ce qui est de la "nouvelle télé de la chanson française", c'est la misère de l'imagination (voyez le nombre de reprises d'anciens succès) et l'apothéose du bricolage informatique pour pallier aux défaillances. Bien peu d'entre ces artistes d'élevage seraient capables de tenir deux heures durant sur une scène. Vous seriez bien étonnée de savoir ce que j'écoute… Marylin Manson, Faf la rage, Arvo Pärt, King Krimson, du vieux, du récent, pas mal de choses que je découvre aussi sur Myspace genre Luna lost, en fait je n'écoute pratiquement plus la radio.
J'ai aussi une secrète passion pour un site Belge qui s'appelle Bide et musique (www.bide-et-musique.com) où l'on entend des "inécoutables" du passé ou des airs qui n'ont vécu que le temps d'un trimestre. Ça me met de bonne humeur pour la journée !»