Quelles soirées ! Les 1500 spectateurs venus au Carré magique fêter ses trente ans de chansons sont ressortis un peu sonnés des deux récitals donnés par William Sheller. Ivres de ce festival de mots, de ce tourbillon de notes, entre un piano à queue et un quatuor à cordes. Somptueux.
Le pantalon aux plis impeccables contraste avec la longue chemise noire un peu débraillée. Ses lunettes cerclées lui donnent cet air d’éternel adolescent, pourtant c’est lui qui le dit, William approche des 60 ans. Il est un peu ému ce soir : «C’est la dernière étape de ma tournée "30 ans de chansons" avec le quatuor Stevens, alors il se passe quelque chose, on n’a pas envie de se quitter.» En plus, ça se passe à Lannion. Pas loin de ses souvenirs de vacances de gosse à Plouézec en compagnie d’Yvonne, «la voisine du 6e à Paris chez qui ça sentait toujours si fort la soupe aux poireaux.»
Des histoires à raconter
Le concert ouvre sur la version magistrale de Symphoman, piano et quatuor à l’unisson. «Bon, maintenant que vous avez pris le temps de bien nous regarder, de voir que j’suis plus petit qu’à la télé et que j’ai pris un coup de vieux, on va pouvoir commencer à vous raconter des histoires.»
Alors il raconte, William. L’enfant rencontré dans la rue qui martelait «Maman est folle», le tic-tac obsédant d’un réveil «qui vous donne l’heure des mots», une plage d’Espagne, un feu, une femme qui danse… Elvira.
Des émotions à partager
Les titres s’enchaînent. Les nouvelles chansons alternent avec les tubes – Les Filles de l’aurore, Le Carnet à spirale, Oh ! j’cours tout seul-, et aussi «les vieilles chansons pas connues parce qu’elles étaient pas radiophoniques mais que j’aime et que j’avais envie de vous faire partager.»
Un archet sur nos veines
Pas à pas, celui qui chante qu’il «gardera quoi qu’il advienne sa réserve extrême» se dévoile : simple, chaleureux, proche de son public. L’envoûtante prestation des violonistes, à qui Sheller sait octroyer de fabuleux «solos», fait frissonner la salle. La chanson qui se joue le suggère mieux que d’autres mots, c’est Un archet sur mes veines.
Un homme heureux. Dans un vieux rock’n’roll. Près de deux heures d’intimité, c’est l’ovation, un deuxième rappel et le public en redemande. Il faut pourtant se quitter, riches de mélodies, ivres de poésie. Un concert anniversaire d’un rare éclectisme.