1 COFFRET DE
19 CD ET 1 DVD MERCURY UNIVERSAL LC 00268
L'uvre de William Sheller
mérite bien d'être réexaminée pour sa richesse, sa
diversité et sa profondeur, souvent éclipsées par l'écume
du succès et la productivité du musicien qui, de tournée
en tournée, de disque de chansons en création dans le domaine classique,
multiplie les formes et les aventures. Voici donc notamment onze albums en studio,
cinq disques "live", un album de quatuors, deux CD de bandes originales
de films et un documentaire sur DVD. L'élément le plus surprenant
est constitué par la réédition de Lux aeterna, messe
"futuriste" enregistrée en 1975, et de quelques "péchés
de jeunesse". Lux aeterna, uvre mythique qui a même été
diffusée ces dernières années sous forme de disque pirate,
confronte quarante musiciens de l'Orchestre de l'Opéra de Paris et seize
choristes de l'Orchestre de l'ORTF aux instruments du rock et même au début
de l'électronique dans la musique populaire. Cette création fleure
superbement son époque, foncièrement optimiste et iconoclaste à
la fois, tentée par un syncrétisme spirituel sans grand discernement
et par un modernisme radical (à noter, ainsi, une intéressante collision
entre le nom de Jésus et les prénoms des Beatles). Mais, sous la
candeur et une certaine pompe, on entend déjà une langue musicale
qui, en s'arrachant à ses dernières tentations progrock au début
des années 80, va élargir le paysage : mélodies simples et
harmonies complexes, chant efficace et orchestration parfois précieuse...
C'est
le secret de succès comme Symphoman (1977), Excalibur (1989)
ou Les Machines absurdes (2000) et, inversement, ce qui manque aux premiers
45 tours d'un Sheller qui se cherche et qui sont, pour la première fois,
réédités. On notera ainsi, pour le plaisir de l'anecdote, Les Quatre Saisons, collaboration de Gérard Manset pour le texte
et William Sheller pour la musique, qui évoque irrésistiblement
ce que deviendra l'art de la chanson chez un Alain Souchon.
Ce coffret démontre
avec opulence la singularité et la cohérence de I'uvre de
Sheller, que la chanson de grande consommation a parfois fait perdre de vue, le
réduisant à une position d'"inclassable" qui dispense
de toute approche approfondie. Et, à l'écoute de l'intégrale,
le plus surprenant est que jamais les tubes du chanteur ne paraissent des excroissances
ou des singularités dans une carrière impeccablement musicienne.
Ses confidences dans le livret, rédigé par Marie-Ange Guillaume
et Anne-Marie Paquotte (avec un avant-propos de Jean-Claude Casadesus), apportent
des éclairages sincères et plaisamment ironiques.