Au
piano et accompagné du Quatuor Stevens, William Sheller
a enchanté le Cirque Royal, à Bruxelles.
Une soirée où
la musique fut reine.
Deux
mille cinq est pour William Sheller l'année des célébrations.
Chemin de traverse, l'intégrale sortie il y a quelques jours , est
venue retracer trois décennies d'une carrière où l'auteur-compositeur-interprète
aura soigneusement évité de coller à une image, si ce n'est
l'image d'un musicien exigeant et libre, explorant le pluriel des genres. Sur
le plan scénique, après une tournée avec orchestre début
2005, il était, jeudi soir, sur les planches du Cirque Royal, à
Bruxelles. Au piano, accompagné d'un quatuor à cordes : formule
qu'il avait expérimentée dès 1983 avec la formation Halvenalf,
déjà composée de musiciens belges, deux Flamands et deux
Wallons.
Musique bio
"Nous
allons commencer avec de la musique bio, histoire de nous accorder. Ce qui ne
veut pas dire que les autres fois nous faisions du play back !" Le ton
est enjoué, la complicité avec le Quatuor Stevens (Nicolas Stevens,
premier violon; Laurence Ronveaux, second violon; Eric Gerstmans, alto; Jean-François
Assy, violoncelle) palpable, le public réceptif : c'est parti pour deux
heures de chansons et de musique en forme d'offrande, tant l'écoute sera
respectueuse, quasi religieuse - et ce n'est qu'en toute fin que les mains oseront
battre en rythme sur Dans un vieux rock'n'roll.
En fait de musique bio,
ce sera une "petite ouverture" interprétée par
les seules cordes, choisie "sur le conseil de Nicoletta" qui
suggéra un jour à William Sheller d'entrer en scène sur une
chanson "pas du tout intéressante", laissant au public
le loisir de détailler l'environnement qui serait le sien durant le concert...
Et
Sheller d'enchaîner, se voulant rassurant : "Maintenant, nous allons
vous raconter des histoires". C'est désormais une habitude : pour
vaincre sa timidité et lier les chansons entre elles, il aime retracer,
à sa manière poétique, parfois teintée d'autodérision,
le contexte de création de la chanson à venir avant d'en dévoiler
le titre. Ou, pour deux instrumentaux remarquables en leur narration et leur exécution
(créés par le Quatuor Parisii au Festival de Troyes en 1997), il
esquisse le récit - une sorcière marchant dans une forêt de
Russie (Baba Yaga), son amitié pour la patronne d'une librairie
spécialisée en BD, sise autrefois rue de Namur à Bruxelles
(Pepperland)-, laissant aux violons le soin de le continuer pour lui. Ce
que le quatuor réussit de convaincante manière.
Avec pour seul
décor la majesté d'un piano à queue, le jeu des lumières
et le ballet des archets, William Sheller, tout de noir vêtu et la voix
sûre, a reparcouru trente ans de chansons en vingt-cinq titres retravaillés
pour la plupart, des plus anciens (Dans un vieux rock'n'roll, Le carnet
à spirale, À l'après minuit) aux récentes
(Elvira et Mon hôtel, extraits d'Épures), en
passant par les incontournables (Un homme heureux, Nicolas, Les
filles de l'aurore, Oh! J'cours tout seul) et deux hommages (l'un à
Barbara via Les orgueilleuses, à l'opéra Madame Butterfly
avec Le Capitaine), sans oublier l'audace payante de la version blues d'Un
archet sur mes veines.
Piano à soucis
Au
terme d'une soirée où la musique fut reine, le public était
debout pour acclamer l'artiste, lui pardonnant le retard de départ. "Le
monde du piano de location, c'est quelque chose. Mais j'ai de meilleurs pianos
depuis les Victoires de la musique et le titre de chevalier des Arts et des Lettres...",
nous confiait récemment William Sheller dans un éclat de rire. Il
ne pouvait savoir qu'un piano lui causerait précisément du souci
à Bruxelles. Le temps de se faire livrer un nouvel instrument (vers 19h30),
de l'apprivoiser (le public peut en témoigner), le concert pouvait commencer.
Il s'achèvera sur un sentiment unanime : fier et fou de vous.