Keyboards recording N°200
septembre 2005

William Sheller
«Un rapprochement fusionnel des genres»

(par Yves Le Corre)

 


Si William Sheller a été légèrement réticent à l’usage des claviers, l’ordinateur l’a immédiatement séduit. Sensible à l’évolution des langages musicaux en fonction des technologies utilisées, il plaide pour la richesse et la fusion.

Loin du star system et des succès d’un jour, William Sheller installe, depuis les années 60, un répertoire d’exception, et ne cesse d’interroger son style. Preuve en est la part la plus récente de sa discographie qui l’a vu, depuis 2000, enregistrer l’album électronique Les Machines absurdes, un concerto pour trompette, une symphonie ou le superbe album solo au piano Epures sorti fin 2004… De multiples exemples de son grand talent mais surtout de sa soif d’expériences nouvelles.

- KR : «Quel a été votre premier contact avec l’électronique et les machines ?»
- William Sheller : «C’est arrivé dés les années 70 avec les premiers synthétiseurs monophoniques. C’était très sommaire et difficilement contrôlable. J’en ai utilisé dans l’album Lux Aeterna. Ce qui est amusant, c’est que cet album a été samplé, trente ans plus tard, par Dan The Automator pour Delton 3030. Par la suite, en 1987-1988, je suis passé voir Marie-Paule Belle qui avait un Atari ST tout neuf sorti du carton et dont tout le système tenait, alors, sur une disquette ! Elle ne savait pas encore comment s’en servir mais j’ai tout de suite été intéressé. Je crois que j’en ai acheté un dans la semaine qui a suivi. Au niveau synthés, au début, je n’étais pas très convaincu. Cela se limitait à des sons du genre : "Les martiens attaquent". Je m’y suis intéressé avec l’arrivée de groupes comme Amon Düül ou Kraftwek. On sentait une nouvelle forme de langage. Evidemment, la notion de sample a fait éclater tout cela. Les possibilités sont, alors, devenues infinies. C’est un grand tournant dans l’histoire de la musique.»

- «Actuellement, quelle est la part d’électronique dans votre travail ?»
- «Elle est essentielle ! Je n’ai plus écrit de musique sur papier depuis au moins dix ans. Je compose sur Encore, un logiciel simple et permettant véritablement de composer. J’ai essayé Finale mais c’est plus un puissant logiciel de gravure musicale, plutôt orienté vers l’impression de partitions. Je suis connecté à quelques «vieilles» machines du genre Proteus Classic, E-Synth de E-MU, Roland JV-2080. Voire, de temps en temps, le Waldorf, qui rappelle le bon vieux temps, en plus fiable. Il y a aussi toute une gamme d’expandeurs virtuels en plug-in. J’établis un score en notes écrites, transcrit en MIDI, et nous cherchons les sons définitifs en studio. Je travaille rarement en waves chez moi.» 

- «Quel est votre sentiment concernant l’avenir de la technologie au service des musiciens ?» 
- «Je crois que, de plus en plus, nous irons vers des instruments en plug-in. C’est bientôt la fin des expandeurs externes qui prennent de la place, vieillissent vite, sont sujets à des pannes de circuits informatiques et sont forcément plus chers. Nous n’avons déjà plus de limites en termes d’imagination et je me plais à croire que cela va permettre un rapprochement fusionnel des genres. Souhaitons que la richesse musicale alors permise ne soit pas réduite à faire uniquement des play-backs moins coûteux pour des chanteurs «d’élevage», que l’emploi de sons sortis de machines ne ressemble pas simplement à de la couleur sortie d’un tube…»