L'Humanité
4 août 2005
-Enregistrement de l'émission "Taratata" (7 juin 05)-

Médias télé
"Dans les conditions du direct"
(par Stella Grosjean)



Nagui présentera un nouveau numéro de Taratata vendredi 5 août à 20 h 50 sur France 4, samedi 6 août à 23 h 5 sur France 3. Soyons honnêtes, c'est une bien belle émission que celle que vous allez voir. Avec comme invités Calogero, Sinsemilia, William Sheller, Tanita Tikaram et Arno. Entre autres. Mais ça, vous le savez. Mais ce que vous ne savez pas et que vous ne verrez pas, c'est tout ce qu'il se passe hors du plateau. Vous avez raté, mais rassurez-vous le public en plateau aussi, les répétitions. Les tensions entre musiciens et chanteurs. La version Calogero de Substitute des Who (groupe phare anglais des années soixante et soixante-dix). Et en coulisses. Vous ne verrez pas, tout en haut d'une énorme grue qui se déplace sur des rails en avant ou en arrière, cette caméra orientée manuellement vers la droite ou vers la gauche, vers le haut ou vers le bas par deux techniciens au sol. C'est elle qui fait les plans d'ensemble. Il y a également deux caméras suspendues au plafond, de chaque côté du plateau. Les techniciens y grimpent avant le début de l'enregistrement puis ils remontent leurs échelles de filin avant de s'asseoir derrière l'appareil, à cinq mètres du plancher. Enfin, des cameramen au sol se déplacent avec leur caméra sur l'épaule. Et puis, il y a le bal des instruments qui quittent le plateau : contrebasses et grosses boîtes noires défilent dans l'ombre, se heurtant aux obstacles que sont spectateurs et câbles électriques. Des caméras suivent les artistes avant leur entrée en scène en projetant sur eux un faisceau de lumière. Vous ne verrez pas les membres de Sinsemilia se moquer de leur porte-parole en plateau, ni le soulagement général à la fin de la troisième prise des Miroirs dans la boue.
Ce que vous ne savez peut-être pas non plus, c'est que cette émission a été enregistrée le 7 juin. Donc, pas en direct, mais "dans les conditions du direct". L'émission dure deux heures, l'enregistrement est prévu à 21 heures. Jusqu'ici, tout va bien. Sauf qu'ils ont pris un peu de retard dans les répétitions. Un peu ? L'enregistrement débute à 21 h 45. La ponctualité ne serait-elle pas l'une des "conditions du direct" ? Plus tard, après une bonne moitié d'émission parfaitement réussie, problème technique. Juste avant que ne commence la chanson de Dahlia. On arrête tout, on prend deux minutes pour régler la difficulté, pendant que Nagui meuble avec ses blagues et puis on reprend. Ah oui, mais non, ça ne va pas, parce qu'il faut reprendre pendant les bravos du public. Donc il faut la même intensité d'applaudissements, donc on réessaye jusqu'à obtenir la même intensité. Mais ça vous ne le verrez pas, ça a été soigneusement coupé au montage. Montage ? Direct ? Il y a comme un antagonisme entre ces deux mots.
Encore plus tard, alors qu'on approche de la fin de l'émission -ça peut se comprendre, il est 23 h 45, les artistes sont fatigués- Calogero se plante pendant son duo avec William Sheller, ce n'est pas grave, c'est mignon, ça fait vrai. Ils terminent ensemble la chanson. C'était beau, émouvant et tout. Mais non, ça ne passera pas. D'où vient cette obsession de la perfection ? Calogero aussi peut se tromper, ça prouve qu'il est humain. Mais on la refait. Avec les bons applaudissements. Et là, paf ! C'est William Sheller qui s'embrouille au même endroit. Devinez ce qui se passe alors ? Mais le public, bien lassé qu'on critique ses ovations, lance des "ouuuuh !!!" à l'attention des techniciens. Et Nagui de s'énerver (un peu), de lui dire que ce n'est pas sympa, que les techniciens essaient de faire leur boulot du mieux possible. Mais tout ça, vous ne le verrez pas. Non, vous verrez la troisième version, la bonne.