La Nouvelle République du Centre-Ouest
(édition d'Indre-et-Loire)
25 mars 2005
- concert avec orchestre au Vinci de Tours, 24 mars 2005-

Sheller, l'homme « enjoui »
(par Jacques Benzakoun)



Un homme qui vit à Jouy (le Potier) ne peut pas être mauvais. La preuve, hier, son public du Vinci, a joui, lui aussi.


William Sheller, c'est un physique, une voix, un piano. Une gueule aussi. Il prétend détenir son prénom de la forme de son visage, ovale comme une poire.

Après tout Sheller, c'est un peu le fruit défendu. Celui qu'évite d'offrir les messes cathodiques au moment de servir le fromage. Il faut dire qu'il a poussé dans les coulisses des opéras que son grand-père décorait. Alors forcément, les airs rapidement troussés sur un coin de cheminée, qui repartent aussi vite en fumée, ce n'est pas sa tasse de thé. Et même s'il s'amuse de la culture «bollywood», dans une ritournelle pleine de malice, William Sheller n'a que peu d'appétence pour le prêt-à-chanter. Lui, Sheller, c'est un conteur. Façon Carmet. La gouaille en moins. La sophistication en plus. Chaque saynète, on n'ose pas parler de chansons tant les textes ressemblent à du théâtre chanté, installe un univers très singulier qui va du Carnet à spirale, passe par Basket-Ball pour finir aux confins du Nouveau Monde. Du travail d'orfèvre, servi par un timbre spatial. Avec ses petites lunettes cerclées de jeune sexagénaire et ses musiques symphoniques qui tutoient parfois le sacré, il pourrait tomber dans le pontifiant. Voire le grandiloquent. Mais l'homme a de l'humour à revendre et du talent à brader. Souverainement appuyé par un orchestre au souffle inventif et puissant, il peut vous tirer des frissons en vous racontant l'histoire d'Yvonne et de l'odeur de ses poireaux qui hante encore ses narines. Il peut aussi vous bouleverser avec sa Tête brûlée ou Maman est folle.

Puccini, Fauré, Chopin ont dû se pencher sur son berceau. Et les Beatles l'ont sans doute bercé. Pour que le rêve soit sans fin et la jouissance sans limite.