Toi qui vouvoie les filles,
permets que je te tutoie. Car j'ai, ce lundi à Strasbourg, trouvé
un artiste tendre, à l'esprit ouvert. Un homme heureux.
"Trente
ans que tu fais des concerts. Et toujours aussi nerveux. Tu es touchant, William,
dans ton costume gris trop large, comme hérité d'un grand frère.
Avec ton air réfléchi de garçon sage, tu t'émerveilles
du spectacle des autres et du monde. Une babiole t'inspire une chanson...
Je
sais, tu aimes la musique classique. Avec toi, il y a tout un orchestre classique
et électrique : des cordes incluant guitare et basse, une batterie, quelques
vents. Mais entre Lully et Jonasz, le ton est difficile à trouver. C'est
parfois juste, parfois magnifique. Trop souvent envahissant. Je te préfère
au piano, seul ou en petit comité. C'est là que tu te révèles.
Plus rien à cacher, rien à craindre.
C'est pour ça que
ton nouvel album est sans doute le meilleur : sobre et intimiste. Comme quand
tu chantes Mon Hôtel seul au piano. Ou quand tu te sers de To
You comme fil conducteur de la soirée. "J'ai trouvé
dans mon piano quelque chose qui ne m'appartient pas" : pour toi, esprit
vagabond ouvert à tous les vents, les chansons sortent toutes seules du
piano. Des bribes de vie et de mots, une boîte à gâteaux presque
vide chez la mère d'un copain, la voisine Yvonne qui te faisait des tartines
de confiture, une ritournelle d'enfant (Maman est folle), ou le vibrato
de Véronique Sanson (Photos-souvenirs).
Tendre William, tu es
d'un autre temps. Et tu n'oublie pas, d'ailleurs, tes années hits : Symphoman,
Basket-ball, Le carnet à spirale, Un homme heureux.
Ce soir, c'est toi l'homme heureux. Regarde, le public est debout ! Emu, tu essuies
une larme..."