Pour ses trente ans de carrière,
le chanteur joue les variations sur un orchestre de 18 musiciens.
En mars, il
est à Bruxelles, Charleroi puis Liège.
William
Sheller a-t-il des problèmes en maths? C'est en tout cas ce que laisse
accroire son attirance pour les anniversaires décalés. En 1998,
il fêtait ses 25 ans de chanson par une compilation, Tu devrais chanter,
et un concert de quatre heures, le 11 novembre, au Théâtre des Champs-Élysées
à Paris. Huit ans plus tard, en 2005, il commémore ses... 30 ans
de chanson, par toute une tournée en France, en Belgique et en Suisse.
1973
ou 1975 ?
Rien n'est simple, mais tout s'explique : le premier album
de chansons signé William Sheller date de 1975, et cartonne grâce
aux succès de Rock'n'dollars et Photos-souvenirs. Mais, dans
la chanson proprement dite, l'homme, de formation classique ayant un temps viré
rock psychédélique, s'est lancé deux ans plus tôt,
grâce à Barbara, qui lui commande les arrangements de l'album La
louve, pour lequel il écrit la chanson Marienbad.
Quoi qu'il
en soit, tout ça se fête; c'est l'optique de la tournée actuelle,
lancée sur les chapeaux de roues en un lieu parisien hors du commun: les
Folies-Bergère, sur les Grands boulevards. Le hall de ce repère
mythique des nuits parisiennes, tout de doré et de turquoise, est d'un
kitsch on ne peut plus kitsch, avec ses candélabres géants et sa
galerie de grands chevaux de carrousel. La salle est d'une disposition qui défie
toute logique, avec des loges devant les balcons. L'odeur de vieux est inscrite
dans les velours bordeaux tandis que, sous le tapis, le plancher craque et grince
les douleurs de l'âge.
Dans ce lieu où les danseuses lèvent
la jambe plus souvent qu'à leur tour, Sheller reçoit son public.
Les maths ne sont pas son fort, mais l'ambivalence bien : puisque son nouvel album
est fait d'Épures au piano solo, la tournée sera avec orchestre
! Et pas n'importe lequel : 18 musiciens chevronnés, pour la plupart originaires
de notre pays où, en janvier, fut répété le spectacle.
Premier violon et chef d'orchestre, Nicolas Stevens.
Avec eux, le musicien
chanteur dispose d'une palette infinie, dont il utilise toutes les possibilités,
de l'orchestration baroque (Le nouveau monde, avec l'extraordinaire Pierre
Bernard à la flûte) à rock (Darjeeling, chauffé
par l'alto-sax de Rhonny Ventat). Le quatuor à cordes du madeleine-de-proustien Nicolas se mue en quintette avec apport de contrebasse pour Maman est
folle, tandis qu'un sextuor à vents (basson, cor, bugle, etc.) fait
la danse du scalp autour du chanteur déclinant son Carnet à spirale.
Cette mobilité convient particulièrement bien au rythme endiablé
de certains titres, comme Les filles de l'aurore ou Oh! j'cours tout
seul.
Cauchemar en pyjama
D'un
verbe plein d'humour, l'auteur compositeur s'attache d'ailleurs à conter
l'origine de ses chansons. Le cauchemar où il courait, en pyjama, le long
d'une voie ferrée est devenu : "On vous dira sans doute / Que mon
histoire est bizarre / Je sais mais j'peux pas m'arrêter / Vu qu'y a plus
d'noms sur les gares / Oh j'cours tout seul / Je cours et j'me sens toujours tout
seul." Les souvenirs d'enfance ont une grande place dans cette oeuvre,
tout comme les paysages, dont le poète s'emploie à dessiner les
flous et les mystères (Les miroirs dans la boue).
Et le piano
solo? Il faut patienter jusqu'au début de la seconde partie pour voir arriver Mon hôtel, l'une des Épures. Mais déjà,
pour Toutes les choses qu'on lui donne, "Je sentais bien que, dans
le piano, il y avait des tas d'instruments qui ne demandaient qu'à sortir",
alors que L'homme heureux se jouait en trio avec cor. Le solo est de retour
grâce à Loulou, confirmant que, pour Épures,
le musicien a développé une nouvelle approche des 88 touches.
Plus
de trois heures de ravissement passent trop vite. Reste le sentiment qu'il en
a fait de belles, des chansons, le bon William. Comme dans un vieux rock'n'roll,
on a dans la tête un Sheller qui fredonne.
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* William Sheller en concert jusqu'au 12 février aux Folies-Bergère, à Paris.
* Le 14 mars au Cirque royal de Bruxelles, le 15 au Palais des Beaux-Arts de Charleroi, le 16 mars au Forum de Liège.
* Album "Epures", Universal.