On
a souvent entendu des artistes mentir. Ils cassent la tirelire pour s'offrir un
vaste orchestre en studio et partent en tournée seuls avec leur piano.
"Tu comprends, j'ai voulu retrouver une relation intime avec mon public".
Hélas, c'est la loi économique du business de la chanson : albums
fastueux, concerts étroits.
William Sheller fait tout l'inverse : à
l'automne, il a sorti Epures (chez Universal), album magnifique le présentant
seul au piano, et le voici maintenant en tournée avec une vingtaine de
musiciens. Epures est un vrai succès, a décroché le
disque d'or (plus de 100 000 exemplaires) sans lourde promotion, sur la seule
beauté du dialogue d'une voix avec le piano, sur la diaphane fragilité
de chansons rêveuses et réalistes à la fois : des amoureux
qui regardent par la fenêtre, une pluie qui tombe avec obstination, une
solitude consentie
En trente-trois minutes, Sheller condense tout son
art de la chanson, de la mélancolie ample et proche à la fois, jusqu'au
verbe soyeux et simple. Mais contrairement aux usages établis du show-business,
il ne s'agit pas du programme de la tournée à venir : "Je
n'ai pas fait un CD de rentrée, affirme-t-il, j'ai publié
un enregistrement de chansons". La nuance est d'importance, et sans doute
embarrassante pour la maison de disques. "La situation est délicate
pour les gens de promotion et les gens de marketing. En même temps, ça
les amuse de sortir de leur routine. De toute manière, je ne fais pas ma
vie à partir du disque mais à partir de la scène".
L'année dernière, donc, il a créé une symphonie
en trois mouvements au festival classique de Sully-sur-Loire, s'est produit avec
orchestre au festival Un violon sur le sable -30 000 personnes sur la plage
de Royan en juillet- "J'ai eu envie de sortir de ces dimensions. J'ai
voulu un enregistrement avec peu de notes, peu de mots. Comme le carnet d'esquisses
d'un peintre". Alors, quatre ans après Les Machines absurdes,
dix ans après Albion -un rythme apaisé-, Epures est
venu s'ajouter à la discographie de William Sheller.
Il a enregistré
le disque chez lui, au milieu de la forêt, en Sologne. Oui, il a quitté
Paris. "Quand je suis sur mon piano treize heures par jour, je ne sors
pas de chez moi. Alors pourquoi pas à la campagne, pouvoir jouer du piano
à 3 heures du matin, les fenêtres ouvertes ? Et, de voir moins de
monde, on s'attache plus aux autres. A vivre en star dans les grands restaurants,
les boîtes de nuit et les plateaux de télévision, on n'a rien
d'autre à raconter que des histoires de grands restaurants, de boîtes
de nuit et de plateaux de télévision".
L'année
prochaine, il aura 60 ans. Sérénité, là encore : il
a rompu avec les habitudes d'une star, avec les lois de la carrière. "Je
m'en vais, je reviens. Quand je reviens, il y a des gens pour m'écouter,
qui n'est pas un public de disque mais un public de théâtre, un public
qui va au spectacle. Ce n'est pas une carrière, c'est une vie de musicien".
Cette vie-là, c'est une escapade à Vienne -cafés, musées,
jardins-, d'où il rapporte une poignée de quatuors à cordes,
dont l'enregistrement a été publié au printemps dernier par
le Quatuor Parisii. "Ma vie à côté des chansons. C'est
moins médiatique mais ça vaut le coup d'être vécu".
Depuis plusieurs années, il vit à la fois en chanteur et en musicien
classique : "Il y a des gens de bonne volonté de part et d'autre,
il y a des ponts mais on ne sait pas toujours ce qui se passe de l'autre côté.
Ce n'est pas facile mais c'est bon à vivre".
Dans cette vie-là,
Sheller a toujours envie de chansons. "Schubert en a écrit plein,
des chansons. Simplement, elles sont chantées par des grosses dames habillées
avec des rideaux". Sa vingtaine de musiciens classiques sur scène
avec lui, "ce n'est pas un orchestre mais un grand groupe. Ils sont parfois
assis quand quelque chose est un peu compliqué, mais ils se déplacent
avec la musique, dans la liberté que l'on trouve avec un groupe. Ce serait
terrible, qu'ils soient assis avec des nuds papillons".
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Ce soir à Issy-les-Moulineaux, le 29 à Mulhouse, le 30 à Belfort, du 1er au 12 février à Paris aux Folies-Bergère, le 22 à Caen, le 23 à Rouen, le 24 à Vernouillet, le 26 à Lille, le 1er mars à Bourg-en-Bresse, le 2 à Lyon, le 3 à Grenoble…