Toutchanson N°3
janvier 2005

William Sheller
Pure épures

(par Serge Bressan)


Il ne fait rien comme les autres. Après un album de 33 minutes, William Sheller prépare une longue tournée avec 18 musiciens, un disque symphonique et un opéra ! Rien que ça.

 

Quelques traits de crayon sur la pochette d’un nouvel album sorti au cœur de l’automne. Quelques traits pour illustrer une petite boîte où l’on se glisse, où l’on savoure la mélancolie de l’époque. « Non ! pas la tristesse… » lance William Sheller. Qui ajoute : « Je n’aime pas la tristesse. » L’an prochain, il fêtera ses 30 ans de chanson. En fait, il s’y est pris un peu à l’avance avec ce nouvel album sobrement titré Epures avec 12 moments de grâce, 9 chansons et 3 instrumentaux. Rencontre avec un « piano-man » qui court tout seul. Pour notre plus grand plaisir.

- « Décidément, vous ne faites rien commes les autres ! La preuve la plus récente, c’est ce nouvel album -un peu plus de 33 minutes-. C’est vraiment de l’épure… »
- « Mais qu’on arrête avec cette idée qu’un album doit êttre calibré, formaté… Et puis, dans le passé, j’ai montré que je savais écrire et composer des chansons qui pouvaient approcher les dix minutes. Mais là, pour ces Epures, je voulais le minimum de mots et de notes pour dire de petites choses. Les grands discours, ça ne m’intéresse pas. »

- « Dans Chanson d’automne, votre goût (ou votre besoin ?) de la solitude transpire… Est-ce à dire que vous êtes égoïste ? »
- « Voilà trois ans, j’ai quitté Paris. Pour aller vivre dans les bois en Sologne. Alors, on a dit : " Sheller est un ermite ". Mais vous le voyez, je ne porte pas la robe de bure et je ne m’appuie pas sur une canne ! Oui, je vis assez solitairement mais ça, c’est ma façon de vivre depuis l’enfance. Adolescent, j’étais obèse, ça m’isolait. Déjà, j’étais isolé par autre chose. Cet état physique… et la musique. Aujourd’hui encore, je ne m’ennuie jamais quand je suis seul. Alors, je serais égoïste ? Mais l’égoïste, lui, n’embêtera pas les autres…Quand on vit en solitaire, on est plus facilement à l’écoute des autres. Et très franchement, si j’étais plus égoïste, je me serais toujours plus mis en valeur, plus en avant… et je serais beaucoup plus riche ! »

- « On vous connaît chanteur depuis 1975. N’avez-vous pas le regret qu’on vous méconnaisse pour ce que vous pensez être d’abord : un compositeur ? »
- «  La chanson, ce n’est qu’un aspect de mon métier. Moi, je suis un compositeur de musique d’aujourd’hui. Non pas de musique contemporaine, synonyme d’ennui et de science élitiste… Un jour, Stéphane Eicher ma dit qu’au 19e siècle, Schubert, le grand Schubert écrivait, lui aussi, des symphonies et des chansons. Alors, pour moi, Epures, c’est une suite pour voix et piano et s’inscrit dans un ensemble dont j’ai jeté les bases dans les années 1960. Et c’est vrai que j’étais sûrement destiné à être autre chose. On m’avait préparé à passer le concours du Grand Prix de Rome, j’étais programmé pour devenir un concertiste classique, j’ai été poussé vers de grandes ambitions… Et très vite, j’ai découvert que la musique, c’est un tel monde… Ça transcende, ça va plus loin que l’amour. L’homme, qui ne s’est jamais embarrassé de choses inutiles, a besoin de la musique. Enfin, j’avais la chance d’entendre des mélodies dans ma tête ».

- « Donc, William Sheller chanteur, ça tient du hasard… »
- « C’est Barbara qui m’avait dit : "Si tu chantais ?" Au début, je n’étais pas fait pour ça. Je n’aime pas me pavaner. Pourtant, entre 1975 et 1979, je me suis cru chanteur, j’avais enregistré quatre albums durant cette période ! Mais l’art est toujours ambigu. Il est tout dans l’instinct, il n’a rien de progressif. Moi, par exemple, je fais de l’art musical. Parce que, questions textes, je rame. Je ne suis pas un auteur. Alors je me réfère aux grands auteurs : Paul Valéry, Jean Cocteau, le surréalisme, la syntaxe floue… Dans Mon Hôtel, la chanson qui ouvre Epures, j’ai pris la langue de Verlaine. J’aime tout ce qui se dit sur le bord des lèvres…

- « Dès le mois prochain, vous repartez en tournée… »
- « … Et je ne serais pas en solitaire. Avec moi, il y aura 18 musiciens. Un grand groupe, pas un orchestre. En juillet 2005, j’enregistrerai un album de musique symphonique, une pièce que j’ai présentée l’été dernier au Festival de Sully-sur-Loire. Et puis, je vais me lancer dans un grand projet. Certainement pas une comédie musicale ! Non, ce sera l’opéra… Je travaille déjà sur le livret. C’est le plus dur pour l’opéra, avoir un bon livret. Donc, je ne serai pas prêt avant 2007 ! Parce que moi qui ai 58 ans, croyez-moi, je ne chanterai plus dans vingt ans… »