UN VIOLON SUR LE SABLE.
Invité d'honneur du premier concert de l'édition 2004, William Sheller
a envoûté son public. La suite ce soir avec Yolande Moreau.
«Monsieur William Sheller !» La voix amplifiée
de Jérôme Pillement tonne au dessus de la Grande Conche, survolant
les quelque 40 000 personnes qui ont fait le pari du beau temps pour trouver chacune
de ses cibles. Le chef d'orchestre du Violon sur le sable introduit l'artiste,
fragile quinquagénaire tout de noir vêtu, pantalon souple et chemisette.
L'homme salue, se synchronise avec l'orchestre, se concentre, écoute la
musique, se fond avec elle, et se met à chanter. Et la plage écoute.
Tel
est William Sheller, confondant de simplicité et d'exigence artistique,
terriblement émotif et éminemment professionnel, présence
discrète sur scène, sans chorégraphie déplacée,
qui pourtant impose naturellement le respect. Par la voix, par le texte, par sa
musique, qui le rendent unique.
L'homme n'est nullement désarçonné
par le contexte particulier de la manifestation. C'est un habitué des grands
rassemblements. «Cela faisait plusieurs fois que Jérôme
me proposait de venir, sourit-il. J'ai fini par accepter. J'enregistre
actuellement un nouvel album, j'ai fait une pause pour venir. Le son est bon ici,
les immeubles du front de mer renvoient bien la musique. Quand au monde... J'ai
fait Les Vieilles Charrues. J'ai également joué en Suisse
devant 50 000 personnes à Nyon. On ne voyait plus un brin d'herbe; que
des têtes, c'était impressionnant.»
Symbiose. Les
fidèles du Violon se souviennent de Laurent Voulzy un rien intimidé,
cherchant ses marques dans un univers symphonique qui ne lui est pas forcément
familier. Rien de tout cela chez Sheller. L'orchestre le porte, lui donne sa force.
«Il n'y a pas de play-back possible. Mais, pour moi, c'est plus facile,
il y a une dynamique...»
L'homme connaît bien le milieu.
Il parle volontiers de sa formation classique, de sa rencontre avec la musique
des Beatles qui lui a fait prendre d'autres chemins. «On parle aujourd'hui
de world music. Mais tout était déjà là. J'ai préféré
écrire des chansons, plutôt que des choses ennuyeuses.»
Cet enfant du jazz, venu à la variété en passant par l'harmonie
et la fugue, emprunte à chacun pour jeter des passerelles entre les mondes,
faisant fi de cloisons imposées par un marketing étroit d'esprit.
Son esprit virevolte de textes en concertos, de mélodies en symphonies,
recréant cette liaison entre deux mondes, réunissant ce qui n'aurait
jamais dû être séparé. «Les gens vous cantonnent
toujours à ce qu'il pensent vous voir pouvoir faire. Mais les choses s'arrangent,
petit à petit...»
En attendant, Sheller se donne à
Royan. Ouverture sur une de ses compositions les plus symphoniques, Excalibur.
Il cède la place à la soprano coréenne Eun Yee You, avant
de revenir sur scène. Au micro, le grand ordonnateur lâche les trois
mots magiques, Un homme heureux. Un murmure parcours la foule. «On
me la demande toujours, sourit une nouvelle fois William Sheller, le succès
de la chanson semblant lui coller à la peau. Cette fois, je vais l'interpréter
dans sa version originale, celle que j'ai pensée dans une chambre d'hôtel,
qui était symphonique.»
Malgré l'orchestre, l'artiste
s'impose presque comme s'il était une nouvelle fois seul au piano. L'émotion
gagne. William Sheller est passé.