Il vient d’écrire des œuvres pour le quatuor à cordes Parisii, formation qui joue Boulez : « J’aimerais maintenant écrire un opéra. »
Regard effaré à la Tintin, chaussettes blanches exhibées dans un flot de musique tandis qu’il rejoint son piano et ces chansons aux « notes bleues » qui ont fait, jadis, tressaillir Barbara : c’est un brouilleur de pistes. William Sheller, créateur d’un « tube » des années 60, My year is a day, repris dans plusieurs enregistrements par Dalida, est de retour, non pas avec un album de rock, mais avec un quatuor à cordes, summum du classicisme.
Sheller résiste tant qu’il peut à l’envie de se prendre soudain pour Schubert et Beethoven. Il a écrit plusieurs œuvres que vient d’enregistrer le quatuor Parisii, formation de réputation internationale qui s’est fait un nom en jouant Boulez et Ligeti. « Le quatuor me rappelle les cours d’harmonie de ma jeunesse. C’est très épuré », dit Sheller.
Chansons, rock, musique sérieuse, concertos pour trompette ou quatuors à cordes, Sheller est un être étrange, désopilant, perturbateur. Fils d’un bassiste de Philadelphie, petit-fils d’un décorateur de l’Opéra de Paris, William a grandi entre le jazz de son père et les coups de peinture de son grand-père travaillant aux Indes galantes de Rameau. « J’étais dans les cintres », se souvient-il. Il fut même figurant sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées où sa grand-mère était ouvreuse. Il fut l’enfant, muet, de Wozzeck, d’Alban Berg, le Viennois. Cela explique que les premiers quatuors de Sheller aient pour sujet Vienne, Mecque de la musique contemporaine. Cette musique qu’à 16 ans il envisageait d’embrasser, mais dont l’éloignèrent des querelles de chapelle. « A la place d’un accord, on disait "complexe sonore à densité fixe". Ce n’était pas mon monde. J’avais envie d’écrire ce que j’entendais », explique-t-il. « Tu n’es pas un chanteur. Tu es un diseur. Vas-y » : ainsi l’avait d’autre part encouragé Barbara.
Pour Sheller, variété et classique ne sont pas des genres différents. « J’écris un album de chansons avec une partie importante au piano : un cycle de mélodies, de lieder. Jeune, j’espérais que toutes les formes musicales pouvaient se mélanger, qu’il n’y avait pas de frontières ». La musique des mots est pour lui indispensable : « Le français est une belle langue à chanter. J’aimerais maintenant écrire un opéra. Pas une comédie musicale, genre qui à mon avis s’essouffle. Je cherche un librettiste ».
Entre deux chaises, Sheller, que les Parisii jouent au même titre qu’Astor Piazolla en bis de leurs concerts, trouve la situation plutôt confortable. Il s’est lié d’amitié avec l’Orchestre Lamoureux et le chef Yutaka Sado, qui ont déjà créé plusieurs de ses œuvres et qui poursuivent leur collaboration avec lui.
Dans sa maison près d’Orléans, Sheller partage son temps entre des chansons, un concerto pour violoncelle -son instrument favori-, que créera le violoncelliste Henri Demarquette. Ce qu’il joue ? Non pas des airs à la mode, mais Le Clavier bien tempéré, de Bach. « Bien plus lentement que je le jouais quand j’étais jeune. C’est pour le plaisir ! Parfois il me manque un doigt. » Sheller ou le rocker passé au classique.
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William Sheller, Quatuors par le Quatuor Parisii. Disque Universal Philips.
A la rentrée en concert à Paris.