Il ne pouvait quitter les lieux sans nous la faire entendre. La patience est une vertu toujours récompensée. Alors quand il nous dit qu'il est « Un homme heureux », on ne peut que lui emboîter le pas et le pousser vers quelques-uns de ses autres standards. A l'image de Oh ! Je cours tout seul, Le carnet à spirale, etc.
Mais avant d'en arriver là, Sheller construit son rendez-vous avec le public hutois du centre culturel autour d'une question qui, au fil du temps et des albums, lui chauffe un peu les oreilles : « Dis, William, les chansons, ça vient d'où ? » Petit retour en arrière sur une soirée intimiste où il délaisse la grosse artillerie pour se présenter seul à son piano et nous inviter à entrer dans son univers et nous faire toucher du doigt la magie de son processus de création.
Accessoire indispensable : son piano. « Il faut lui donner des notes à manger ». Puis soudain, il arrive que les mains prennent leur indépendance. Ça donne par exemple Basket-ball. Il y a aussi la chanson qui vous tombe dessus par inadvertance, quand vous n'avez rien demandé, que vous tenez juste à vous reposer et qu'un p'tit gars passe à côté de votre transat en criant « Maman est folle ».
Il y a aussi les objets qui traînent autour de vous et qui attirent inévitablement votre attention comme une publicité qui donne une petite fantaisie sur laquelle Jean-Pierre Catoul avait l'habitude de l'accompagner au violon. William Sheller le soulignera discrètement dans un hommage d'un artiste rendu à un des siens.
Au-delà des notes, des sons, un piano, ça peut aussi donner des personnages, évoquer des gens que l'on aime, Véronique Sanson, Barbara. Ou tout simplement des réminiscences d'un visage (Simplement). Il y a aussi des paysages vus en passant (Les miroirs dans la boue), des lieux qui vous reviennent à la mémoire comme cet incontournable Un endroit pour vivre.
Bref, une chanson, ça n'a pas de loi. Ça peut vous venir à tout moment, en toute circonstance. Ça peut même devenir une punition mais si ça donne Les filles de l'aurore, les plaintes n'ont plus aucune raison d'être.
Sans avoir l'air d'y toucher, William Sheller nous balade d'un bout à l'autre de son répertoire, y puisant ses plus belles mélodies comme des bizarreries (Les machines absurdes). Un panachage habilement orchestré pour une soirée au terme de laquelle on éprouve l'impression de mieux connaître cet homme discret voire secret alors que l'artiste, lui, nous accompagne depuis lontemps déjà.