Baskets, chemise ample et pantalon de jogging, il prend place, seul, et se fond sur le noir du Steinway posé sur scène. Pour l'habiller, seuls quelques rayons de lumière, qui parfois oseront la couleur et les effets. Samedi soir au Théâtre du Crochetan, William Sheller a convié son public à un moment d'intimité. Plus une place libre et pourtant, lorsque Symphoman prend la parole, les mouches suspendent leur vol. L'attention est telle que prendre des notes sur un carnet à spirale sans déranger l'atmosphère en devient presque un exercice de haute-voltige.
Ponctuant ses phrases de doigtés légers sur les touches, Sheller a choisi ce soir de se dévoiler. Un peu. Et d'expliquer en histoires l'origine de ses chansons: celles qui tombent du ciel, empêchent de dormir, se glissent dans le piano, émanent des objets, remontent de l'enfance. Connaître la naissance de Nicolas, des Filles de l'aurore ou d'Un homme heureux tisse encore plus étroitement les liens. Suspendu au fil de la voix du chanteur, le public laisse déferler ses bravos après chaque morceau. Acclamé, toujours seul sur scène, Sheller salue presque comme en s'excusant d'être là. Jusqu'à l'ovation finale. La salle libérée, les lourdes portes qui se sont ouvertes sur deux heures de pur ravissement sont maintenant closes. Mais quelques notes s'échappent encore du sanctuaire. Solitaires. De l'artiste, nous ne pourrons en savoir plus. Les questions resteront sur le carnet à spirale. Mais c'est peut-être aussi pour ça qu'on l'aime, Sheller le discret, pour son talent à ne dire l'essentiel qu'à travers ses textes, ses musiques. Et tant pis pour les détails. Sheller en solo, c'était déjà beaucoup.