Un silence de six ans, rompu superbement avec un nouvel album en début d'année, et William Sheller joue une fois de plus dans la cour des grands de la chanson française.
Atypique, déconcertant, doué, très doué, William Sheller étonne constamment. En solo au piano, en quintette acoustique, entouré de guitares électriques ou dirigeant un orchestre symphonique, il change de registre avec aisance, sans nuire à son image. Au contraire, son talent multiforme lui attire la sympathie des critiques les plus féroces, alors que ses mélodies subtilement simples et ses textes romantiques conquièrent le coeur des fans de base. To You, une des dix chansons de son dernier album, confirme ce talent de mélodiste et de poète. Un petit bijou musical, au texte tendre et enjoué, charmante évocation de l'inspiration amoureuse: « J'ai trouvé dans mon piano quelque chose qui ne m'appartient pas, une mélodie et des mots, quelque chose que je n'écrirais pas. Ça vient tout seul dans les doigts, je ne mens pas. Et puis ça parle de toi...» Sur scène, son grand professionnalisme séduit. Un jour, son grand-père menuisier, qu'on imagine un peu trapu comme lui, les épaules carrées et les pieds bien plantés sur le sol, lui a dit : « Si tu veux faire de la musique un métier, fais-le, mais apprends ton job. Nous, dans la menuiserie, lorsqu'on fait une chaise, c'est pour qu'on puisse s'y asseoir pendant trois cents ans; elle peut se démoder, alors on la met au grenier, mais le jour où l'onen a besoin, on la ressort et elle tient le coup! Alors si tu dois faire de la musique, fais pareil !...» Alors, le petit William a fait pareil. Depuis plus de trente ans, en bon artisan, avec un grand amour du travail bien fait, il découpe et cisèle longuement ses notes avant de les laisser s'envoler vers le public. Patiemment, il peaufine, polit ses mots, enfile ses phrases comme des perles sur le fil gris ou rose des jours. Mélancoliques ou primesautiers, ses textes narrent la vie avec une grande finesse. Coutumier des absences plus ou moins longues, William sort de ses semi-retraites comme purifié et rempli d'une énergie électrisante. A chaque retour, ou presque, il fait mouche. Plusieurs de ses chansons rejoignent immanquablement les hits de l'année. Et le succès dure. On entend encore sans se lasser ses plus belles ballades écrites au milieu des années septante (Le carnet à spirale) ou composée au début des années huitante (Fier et fou de vous et Oh ! j'cours tout seul) et, plus récemment, l'émouvant Un homme heureux.
Bref, chaque fois qu'on ressort ses vieilles chansons, elles tiennent le coup !
Malgré son air de gamin américain, grandi trop vite, le chanteur assume sereinement sa cinquantaine. Sans paraître y toucher, sa personnalité hors du commun en impose. En tournée depuis le début de l'année, pour présenter son dernier opus Les machines absurdes, il renoue doucement avec ses fidèles et de plus en plus de nouveaux adeptes. Lors du dernier Paléo à Nyon, il a donné un concert magnifique, chaleureux, qui a, petit à petit, dominé le brouhaha ambiant. Les festivaliers les plus bruyants se sont apaisés, comme par miracle. Assis au bord de la scène, William, le « symphoman » semblait heureux...