Samedi, au Centre culturel, William Sheller a donné le premier concert de sa tournée d'hiver. Entouré de 19 musiciens, l'émouvant pianiste-chanteur a interprété de vieux succès. Et charmé plus de 400 personnes.
«C'est le premier concert de notre tournée. Hier, on a répété longtemps.» 20 h 30, samedi. Eternelle mèche blonde, visage un peu tendu, voix troublée par le trac, William Sheller arrive sur la scène du Centre culturel. L'émotion est déjà là, qui va doucement se glisser dans le cœur du public. Toujours élégant, même en jogging et baskets, le pianiste est entouré d'un orchestre à géométrie variable : contrebasse, violoncelles, violons, basson, trompette, clarinette, flûte, guitares électriques, batterie... Et bien sûr le piano. Chargé ? Sheller l'alchimiste réussit à marier les instruments, fait naître un univers bien à lui, entre musique classique, rock, chanson et même «un air bluesy un peu cow-boy».
Orchestration parfaitement huilée, jeu soigné, léché, avec juste ce qu'il faut de fougue : les 19 musiciens se complètent à merveille, sans jamais noyer la voix troublante d'un Sheller sans âge, qui ferme les yeux, se crispe, se détend, se laisse enivrer par les sons. Déroutant, un brin mystique, le sympathique «symphoman» joue peu de morceaux de Machines absurdes, son dernier album. Les chansons d'autrefois lui reviennent en bouche. Le «temps sur Genève» est toujours aussi lourd. Les pages du Carnet à spirale s'envolent, portées par une interprétation tout en rondeur, avec uniquement six instruments à vent. Les filles de l'aurore ont gardé leur fraîcheur et le tube Rock’n’dollars allégé par une flûte en folie, swingue toujours avec autant de punch.
Côté nouveautés, Sheller reste fidèle à ses infidélités, passe d'airs langoureux et souples (Indies) à des blocs plus bruts, musclés par la batterie et les guitares (Excalibur), se promène sous la bruine (Moondown), s'offre un clin d'œil à l'opéra (Le capitaine), inspiré de Madame Butterfly. Entre un hommage à Barbara et des anecdotes pleines de poésie sur la naissance de ses chansons, le délicat compositeur distille avec grâce sa douce nostalgie : parfums bizarres d'un autre temps (Cuir de Russie), océans qui séparent les cœurs (Le nouveau monde, La Navale), rencontres qui donnent des ailes... Romantique et symphonique, solide et fragile, limpide et torturé, Sheller peint à merveille le sentiment amoureux. Un homme qui, l'air de rien, rend les gens heureux.