Le Matin
16 juillet 2000

Gourmand de vies vraies
Le bouquin de cœur de William Sheller
(par Aimé Corbaz)



 L'auteur, compositeur et interprète est un authentique bibliophile.

- « Vous avez un livre de chevet? »
- « Oui, mais j'ai peur de me planter sur l'auteur... Attendez, c'est Colette ou la vagabonde assise, par... Hortense Dufour. Ce bouquin, je l'ai offert à tout le monde. »

- « Un faible pour les biographies ? »
- « Toujours. Je ne lis jamais de romans : la vie de gens qui n'existent pas m'indiffère. J'ai l'impression de perdre mon temps. Alors qu'une vraie vie, c'est passionnant. »

- « La réalité plutôt que l'imaginaire ? »

- « La réalité est plus forte que la fiction ! »

- « Etes-vous un grand lecteur ? »
- « Je lis beaucoup de choses. J'ai des bouquins partout, d'ailleurs je ne sais plus où les mettre. Tenez, je viens de commander à ma libraire le dernier bouquin d'Orsenna sur Le Nôtre, le jardinier de Louis XIV. »

- « Un dada particulier ? »
- « Oui, c'est un livre extraordinaire d'un journaliste du XVIIIe siècle, Louis-Sébastien Mercier, Les tableaux de Paris. C'est un recueil de chroniques, parues dans un journal parisien. On apprend ainsi que la mode du temps, c'était de boire du café chaud le matin, un privilège jusque-là réservé à la noblesse et à la bourgeoisie. C'est un livre que j'emporte souvent en tournée. »

- « Est-ce qu'une biographie de musicien vous a particulièrement marqué ? »
- « Oh, ils ont tous eu tellement de délires... Berlioz était assez fou... Imaginez qu'amoureux d'une femme, partie à Lyon pour épouser un comte, le compositeur s'est déguisé en femme avec deux revolvers à la place des seins et a pris la diligence pour aller les tuer. Heureusement, il a été arrêté avant ! Et puis Berlioz, il mangeait du haschisch avec Théophile Gaultier, Gérard de Nerval... »

- « Y a-t-il pour vous une littérature inutile ? »
- « Inutile, non, si ça fait le bonheur de quelqu'un. Qui suis-je pour juger que quelque chose est inutile ? »

- « Un rejet, alors ? »
- « Je vais dire une horreur ! Je n'ai jamais été sensible à la poésie de Rimbaud. C'est trop cru, ce n'est pas une poésie qui me fait vibrer. »

- « Vous arrive-t-il de lire une partition avant de vous endormir ? »
- « Oui. J'adore lire la partition du Sacre du printemps, de Stravinski. »

- « Vous n'avez jamais eu envie d'écrire un texte autre qu'une chanson ? »
- « L'envie oui, mais pas assez forte pour m'atteler à la tâche. Mais des fois, quand je lis toutes les âneries qu'on raconte sur moi, j'aimerais raconter mon histoire, celle de ma famille. Il y a des tas d'anecdotes. Comme, par exemple, ma grand-mère paternelle qui était chanteuse dans un saloon, style "Lucky Luke", et qui a fini à l'Opéra de Saint Petersburg, en Floride ! J'aimerais bien dire ça. Mais, bon, je verrai plus tard... »