Sud-Ouest
5 mars 2000

Chanson
Sheller, hors du temps ?
(par Patrice Scarzello)




Avec ses nouvelles Machines absurdes, le « symphoman » se produit à Mérignac (33) et à Pau (64).


Depuis « Du ketchup pour mon hamburger » qui date de 1975, jusqu'aux « Machines absurdes » de son album récent, Sheller a pu expérimenter à satiété. Ses nouvelles chansons confirment qu'il pourrait mener un groupe pop, comme il en a d'ailleurs déjà réuni plusieurs autour de son univers d'auteur-compositeur-arrangeur, aussi bien qu'écrire des bandes originales pour les films de Peter Greenaway. Cette ambivalence fonde son style, à mi-chemin entre les Beatles qu'il a découverts très jeune, et sa dimension autoproclamée de « symphoman », capable de diriger un grand orchestre baroque. Il aime ainsi puiser dans chaque genre, tenter de les mélanger, au point de paraître par moments attrape-tout, ou franchement contemporain. Ainsi, ses nouvelles boucles électro font branché, y compris dans l'exotisme indien.
C'est qu'à bientôt 54 ans, il connaît la musique, même s'il ne baigne guère dans les mondanités du métier. Fils d'une Française et d'un Américain, tous deux passionnés de jazz, il a passé ses plus jeunes années aux Etats-Unis avant de commencer des études classiques de piano à 12 ans. Dès 1968, il donne un tube aux Irrésistibles et écrit dans la foulée une messe symphorock avec chœur, orchestre et groupe électrique.Coincé dans son cliché Rock’n’dollars de chanteur de variétés qui se voulait parodique (et qui trouve 500 000 amateurs d'emblée), Sheller attendra du coup son cinquième album, J'suis pas bien, pour faire de la scène. Et c'est seulement en 1983 qu'il trouve un point d'équilibre entre ses qualités populaires et sa culture, en se produisant avec un quatuor à cordes.

Un homme heureux

Mais sa singularité va lui permettre d'autres métamorphoses. Il peut partir en tournée seul au piano ou laisser sa verve classique s'exprimer tout à fait. Disque d'or en 1987, Univers lui permet de se produire entouré de dix-sept musiciens. Au fil de ses envies, il ira même jusqu'à diriger un orchestre de soixante-dix instrumentistes ; jusqu'à devenir, bel et bien, «Un homme heureux». Du titre de sa chanson, qu'en 1992 la profession couronnera comme la meilleure de l'année.
Résultat de ce chassé-croisé de mélomane complet, ses œuvres se voient interprétées dans les festivals et salle Pleyel, aux côtés de celles de Stravinsky et Ravel. Ses nouvelles, déjà jouées à l'Olympia, s'accompagneront durant cette tournée d'un piano à queue, de cordes, de cuivres, d'une batterie et, comme il se doit, d'électricité.
Rock symphonique, chanson à claviers multiples, formule piano-voix, accompagné d'un quatuor ou avec un contrebassiste jazz, Sheller paraîtra moins dans l'air du temps qu'intemporel. Comme ses succès, Fier et fou de vous, Le Carnet à spirale, qu'il chantera aux côtés des extraits de Machines absurdes, dont la datation ne trompe pas. Les enregistrements ont été réalisés entre 1995 et 1999, avec l'assurance de leurs qualités pérennes...
--------

Mercredi 8 mars, à 20 h 30, à l'espace culturel du Pin-Galant de Mérignac, et le 9 mars, à 20 h 30, au Zénith de Pau.