Par les multiples facettes de son talent – il a écrit des « tubes », des symphonies, mais aussi des musiques de films et de pubs - et par son style, William Sheller est l’antistar du monde des variétés… Solitaire, discret, presque sauvage, il avait un peu disparu du devant de la scène depuis six ans. Il nous revient aujourd’hui avec Les Machines absurdes, un album superbe, acclamé par la critique. Où était-il pendant tout ce temps ?
« Je ne fais pas ce métier pour avoir un buste en bronze dans un square avec un pigeon qui me chie sur la tête ! » Le ton est donné, William Sheller, un des rares artistes français -avec Catherine Lara- à savoir concilier musique classique et variétés, refuse les étiquettes comme il refuse de cultiver sa gloire et son image. Deux victoires de la musique en 92, un album très rock, Albion, en 94, et puis… silence.
Donner de la voix sur les plateaux télé ? Très peu pour lui. Cultiver son look et accepter des interviews ? Ça ne l’intéresse pas. Depuis toujours, il a choisi de vivre sa vie et sa musique hors des sentiers battus. Est-ce pour cela qu’il a disparu ? Non. Il s’est enfermé chez lui, tout simplement. Il avait besoin « de vide et de silence.»
Il n’était pas inactif pour autant et remarque en souriant qu’il a quand même fait « quelques petites choses » pendant ces six ans d’absence : deux élégies pour violoncelle et orchestre, une symphonie de poche, des quatuors à corde, un duo avec la cantatrice Françoise Pollet. Et pourtant, il reconnaît avec franchise qu’il vient de traverser un passage à vide, un moment de souffrance et de blocage, le trou noir devant la page blanche. Une panne d’inspiration, sans doute, mais surtout la perte de deux êtres qu’il aimait énormément. Sa mère, emportée par un cancer, et la chanteuse Barbara, une amie fidèle sans laquelle il n’aurait peut-être jamais chanté.
« Je me suis arrêté pour m’occuper des miens. C’est le plus important pour moi… Un jour, en rentrant de vacances, ma mère m’a annoncé qu’elle avait un cancer. J’ai vécu des moments difficiles. Il fallait que je l’accompagne. » Cet homme extrêmement pudique n’en dira pas plus. Avec lui, il faut savoir deviner entre les mots. De son chagrin à la disparition de Barbara, pour laquelle il a écrit des musiques et qui l’a poussé à dépasser le stade de la composition pour chanter lui-même, il ne parlera pas non plus.
Heureusement, et c’est sans doute ce qui lui a permis de reprendre pied, il n’est pas seul au monde puisqu’il a deux enfants et – oh merveille !- un petit-fils d’un an.
« Je suis devenu grand-père gâteau, avoue-t-il. Les enfants ont toujours été sacrés pour moi. A quinze ans, mon fils et ma fille sont venus vivre chez moi. La grande différence avec un petit-fils, c’est le bonheur d’avoir un enfant sans les responsabilités. » Cela dit, il les accepte volontiers quand il fait du baby-sitting et assure même qu’il est capable d’annuler un concert pour venir s’occuper du bambin, si besoin est. «J’ai refusé de chanter à Lyon le jour de Noël (c’était pourtant très bien payé), pour pouvoir être avec mes enfants. »
Et maintenant qu’il a retrouvé un peu de douceur, et l’inspiration, de quoi rêve-t-il ? D’aller rejoindre son père aux Etats-Unis, lorsqu’il aura terminé sa tournée en France (du mois de janvier au mois d’avril), après son récital à l’Olympia en février. De passer du temps en Irlande, une « terre propre » qui l’attire énormément. Et de ne surtout pas fréquenter le monde du showbiz, « parce que c’est à se flinguer ». A l’en croire, cet album serait le dernier. Dommage. On ne voit pas très bien qui pourrait prendre sa place.