Entre variétés et tentations symphoniques, Monsieur «Je suis un homme heureux», refuse de choisir. A ccompagné de vingt musiciens (moins une), il revisite son riche répertoire sur scène.
Il entre seul sur scène et dédie le concert à Alexandra, une musicienne terrassée par la grippe. Les dix-neuf (autres) instrumentistes le rejoignent. Une formation impressionnante. Sur la base d'un groupe rock (deux guitares, basse, batterie) se greffe un ensemble à cordes (violons, violoncelles et contrebasse) et un sextuor à vent. Samedi soir à l'Octogone de Pully (concert à guichets fermés), William Sheller est chanteur tout autant que maître de cérémonie. Prolixe, il offre à chacune de ses chansons une anecdote, un souvenir. L'auteur du récent et très réussi album Les Machines absurdes se mue en guide attentionné de son univers.
En deux heures, il parcourt les titres de son dernier opus qu'il entrelarde de compositions anciennes, réarrangées avec soin. Son groupe... ses groupes vont et viennent sur la scène au gré des orchestrations. La géométrie de l'ensemble des dix-neuf musiciens est aussi variable que le répertoire de William Sheller.
Le Nouveau Monde, qui ouvre le concert, s'appuie sur la puissance des cordes. Nicolas est émotif à l'extrême avec les sarabandes graves de trois violons et un violoncelle répondant au piano. Le fameux Carnet à spirale trouve un accent inattendu lové dans un sextuor à vent. Piano-solo pour mélancoliser l'assistance avec Le centre-ville. Un homme heureux trace des volutes jazz par des traits de trompette, cassant avec pertinence la formule de cette chanson trop attendue, trop entendue.
Curieux concert qui dérape parfois dans l'exercice de style. Malgré les efforts de William Sheller, l'ambiance est - un temps - solennelle, froide. L'entracte imposé prend tout le monde de court. Puis, à son retour, il continue sur la même lancée : chanson-explication-chanson. Le public a-t-il dépassé toute déférence face à cet ensemble « symphonique » ? William Sheller communique-t-il mieux ? Ses efforts d'orateur sont louables, mais malhabiles et un tantinet crispés. On sait l'homme timide. Réticent, par exemple, à l'exercice de l'interview ou à la séance photo. Il essaye pourtant, peine à faire rire le public. Insiste. Finalement, la magie opère. Surtout grâce à la musique... dont il faut à chaque fois réapprendre la beauté discrète, le génie naturel, sans tape-à-l'œil.
Aux Filles de l'Aurore, les premiers sifflets enthousiastes résonnent. Les musiciens classiques se lèvent, jouent debout. Hilare, un violoniste barbu tourbillonne et se calque sur l'ostentatoire guitariste « rock'n'roll attitude ». On se détend. Un vieux rock'n'roll emporte le morceau et rappelle que le monsieur a de l'humour.
Deux rappels sont arrachés avec insistance et un bouquet de fleurs qui, visiblement le touche. La voix fatiguée - cassée par la grippe ? - William Sheller conclut intimiste sur Petit Caillou. Celle que « j'aime bien jouer avant d'aller me coucher ». Trois minutes d'inestimable bonheur pour deux heures de concert musicalement irréprochables, mais où chacun cherchait sa place. Comme de vieux amis, gênés par une trop longue séparation, tardent à renouer le fil de la connivence.
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* Discographie : William Sheller, Les machines absurdes, Universal. Disponible depuis le 28 janvier.
* Sheller en 12 dates :
- 1946 : Naissance d'une mère française et d'un père américain. Petite enfance aux USA.
- 1953 : Sa famille s'installe en France. Etudes de musique classique.
- 1968 : Compose pour les Irrésistibles, un groupe yé-yé qui commettra un tube, My year is a day.
- 1975 : Arrangeur pour Barbara qui le pousse à chanter.
- 1976 : Se lance en solo. Puis aligne les tubes: Rock'n'dollars; Photo souvenirs.
- 1981: Après cinq disques, il débute sur scène, à Bobino.
- 1983: Avec le quatuor Halvenaf, il donne sa vraie nature de «Symphoman».
- 1984 : Série de récitals, seul au piano.
- 1987 : L'album Univers impose sa verve classique. Il créera le spectacle avec 17 musiciens sur scène.
- 1991 : Sortie de l'album live Sheller en solitaire. Il contient une chanson inédite, Un homme heureux qui le consacre définitivement.
- 1994 : L'album Albion renoue avec ses démons rock. Flop!
- 2000 : Sortie des Machines absurdes: un Sheller grand cru.