La Liberté
29 janvier 2000

Chanson
William Sheller, avec certitude n'est pas absurde

(par Magalie Goumaz)


On l'attendait acoustique, faux. Son dernier disque se nourrit de tout. Un peu électro, un peu symphonique, absolument Sheller.

« Le bel Adieu ». Etrange manière de nous dire bonjour. D'annoncer son retour après six ans d'absence. Ainsi est William Sheller, jamais là où on l'attend. On parlait d'un album acoustique (mais qui a dit ça ?) et voilà qu'il ajoute de l'électronique à ses symphonies. Des variantes qui ne gâchent pas le style Sheller, du nom de l'homme qui se promène en musique comme l'écureuil dans la forêt.

Il revient joyeux d'être là, on dirait. Les dix titres de son album plus court qu'une messe ont la légèreté d'un rêve sans le sommeil pour l'obscurcir. Ca s'appelle Les Machines absurdes. Absurdes comme "ces machines qui passent sur les flots et avancent vers les lumières orange." De quoi troubler ce solitaire qui a mal au cœur en altitude et préfère se poser sur un banc au bord de la mer. Ce qui ne l'empêche pas de nous faire croire qu'il est sur le boulevard Ghen-Ghis-Khan (Misses Wan). Donc jamais là où on l'attend.

Un avant-goût

Pourtant, c'est du pur Sheller qu'on écoute. Qui démarre sur les cordes. Avec très vite une trompette et sa voix. En cours de route, s'échappe une clarinette, un basson. Bel univers musical. Et toujours une idée mine de rien. D'où vient cette mélodie trouvée dans le piano ? Sait-on d'où l'on vient ? William Sheller ne cherche pas la réponse mais les mots. Ils doivent sonner, s'imbriquer. Ils sont des pièces de puzzle qu'il assemble pour que l'image finale soit jolie. Pour que tout joue !
Tout ça prend du temps donc. Ajoutez à son perfectionnisme le fait qu'il n'a pas son permis de conduire, qu'il collectionne les bagues à tête de mort mais ne les porte pas car il est allergique à tous les métaux sauf à l'or, qu'il écrit ses partitions à la main avec des plumes à cinq becs et a deu enfants et vous comprendrez pourquoi il a d'autres chats à fouetter que traîner sur les plateaux TV et dans les couloirs de sa maison de disque.

Une vieille histoire 
En 1998 pourtant, il avait entendu les sirènes du marketing en sortant une compilation, Tu Devrais chanter, titre inspiré par la suggestion que lui avait faite Barbara, à laquelle il avait simplement répondu : "Je n'ai pas vraiment de voix". Une vieille histoire mais qui a déclenché le parcours que l'on connaît. Une vieille phrase qui se devait d'être le titre de cette compilation récapitulative d'une longue carrière de seize albums tout compris. On découvrait à cette occasion Les Millions de singes, alléchant à l'époque et qui finalement n'est de loin pas le meilleur titre du nouvel opus. Un des plus électroniques aussi, avec Misses Wan. Faut-il interdire à William Sheller l'accès aux ordinateurs avant qu'il n'en fasse un usage immodéré ?

Pour l'instant, l'homme est en tournée. Elle commence ce soir en France et passera par la suite en Suisse où on l'attend le 5 février à l'Octogone de Pully. Mais c'est complet. Sans doûte faudra-t-il attendre les programmes des festivals pour revoir son nom apparaître. D'ici là, on peut écouter mille fois Les Machines absurdes.

* William Sheller, Les Machines absurdes, distr.Universal.