Après
six ans d'absence, William Sheller sort un nouvel album dont on dit qu'il pourrait
être le dernier. En attendant de partir en tournée et d'effectuer
sa rentrée sur la scène de l'Olympia dans quelques semaines. Il
a l'art de marier les sonorités du piano à celles du violon, via
l'ordinateur. Fils spirituel de Mozart et de Paul McCartney, le "symphoman
" aime toujours autant le classique que le rock. Rencontre avec un rêveur.
D'un
caractère réservé, William Sheller n'aime pas faire parler
de lui. Pourtant, au moment de la sortie des Machines absurdes, nouvel
album dont on dit qu'il pourrait être le dernier, le chanteur a bien voulu
nous recevoir chez lui pour en parler, en toute simplicité : "C'est
plus sympathique que de se rencontrer dans un bistrot", dit-il.
Sheller
habite un lumineux appartement parisien. Sur un des murs, on peut voir un tableau
de Lolita Lempika, "une reproduction", tient-il à préciser.
Alors que sur une étagère, au-dessus d'un ouvrage consacré
aux Beatles, trônent fièrement les trois trophées des Victoires
de la musique reçues en 1994 et 1995, au sol, un tapis aux motifs noirs
et blancs dessine les notes d'une partition imaginaire, et rappelle que nous sommes
bien chez un musicien. C'est ici, qu'il crée ses uvres au piano,
le plus souvent écrites à l'aide d'un ordinateur. Baskets aux pieds,
coiffure à la Tintin, William Sheller, en dépit d'un regard mélancolique,
a l'air d'un Homme heureux. Bien qu'il n'ait jamais su choisir entre classique
et rock depuis ses débuts. C'était en 1974, avec la parution de
Rock'n'dollars, tubesque mélodie un peu lourde à porter,
qui, cependant, eut le mérite de faire de lui une des valeurs sûres
des années soixante-dix. Depuis, celui qui passe pour être le fils
spirituel de Mozart et de Paul McCartney a voué sa vie à la musique,
encouragé par la "duchesse" Barbara, qui l'incita à
devenir chanteur. Dans quelques semaines, le Symphoman effectuera son retour à
l'Olympia. Rencontre avec un artiste qui semble être ici et ailleurs, l'esprit
tourné vers des rêves en chanson.
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Pourquoi ce titre Les Machines absurdes ?
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William Sheller : "Ça a failli s'appeler Épilogue parce
que, à force d'être la tête dedans, j'en avais ras-le-bol.
Au départ, la musique me faisait voir une image de fin de nuit : lumière
orange aux approches des périphériques avec des sortes de robots
dromadaires à la Star Wars, qui marchent sur l'eau. Et puis, on
a travaillé avec pas mal d'informatique, des nouvelles machines qu'on nous
a envoyées en prototypes d'Allemagne et de Suisse afin qu'on les teste.
On a galéré. Je ne sais pas si j'ai fait un rêve absurde à
cause des machines qu'on manipule et qui font des bogues, toujours est-il que
j'ai trouvé ce titre parce qu'on en a tellement bavé avec ces engins".
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"Vous êtes toujours très attiré par l'univers musical
classique avec, en ouverture, l'utilisation d'instruments à cordes d'un
orchestre traditionnel acoustique ?"
- William Sheller : "Ce n'est pas tant le classique que je cherche mais plutôt
la musique de film. Les machines permettent d'obtenir des climats, des ambiances
qui favorisent ce genre d'univers. C'est là, dans ce tableau, qu'entre
un personnage et je me dis : "Qu'est-ce que je pourrais bien lui faire
raconter ? " Et commence la galère ! Au départ, je n'ai
aucune idée préconçue. J'ai la chance d'entendre la musique
sans savoir comment elle vient. J'écris sans être sûr d'en
faire une mélodie. C'est seulement après que les choses prennent
forme. Parade, le morceau d'ouverture, j'ai pensé que ce serait
une musique de chambre. Ce n'est qu'après que c'est devenu une chanson".
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"On vous sent plus compositeur que chanteur"
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"William Sheller : "Composer est mon job de base. Quand Barbara m'a
dit : "Tu devrais chanter", je lui ai répondu : "Je
n'ai pas de voix", elle a rétorqué : "Tu n'es pas
un chanteur, tu es un diseur". Je m'écris du sur-mesure ! Je me
sens avant tout artisan, comme on se sent charpentier".
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"Si vous deviez choisir entre classique et rock ?"
-William
Sheller : "Je suis issu des deux cultures. J'ai eu un maître, Yves
Margat, un élève de Gabriel Fauré. Quand on a quinze ans,
on a beau étudier l'harmonie et le contrepoint, on écoute la radio,
pour moi, c'était les Beatles, et puis mon père faisait du jazz.
J'ai besoin des deux univers".
- "Fils
spirituel de Mozart et de McCartney, ça vous va comme image ?"
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William Sheller : "Mozart est un compositeur que j'aime : il n'a pas eu besoin
de pousser les murs pour s'exprimer, contrairement à Beethoven, il a toujours
fait les mêmes choses en suivant les mêmes règles que ses contemporains.
McCartney, on pourrait aussi dire Lennon. La mélodie, je l'aime quand elle
chante. J'ai étudié la musique des uns et des autres pour essayer
de comprendre".
- "Comment vous apparaissait
Barbara ?"
- William Sheller : "La duchesse ! J'aimais
l'appeler comme ça. Je lui chantais Marienbad, elle m'a ouvert des
portes et c'est parti. Je me suis dit : chantons pendant un temps, je pourrais
voir ce qu'est le métier. C'était un bon moyen pour apprendre à
nager. Chanter sur une scène est un moment de bonheur. Le plus dur, pour
moi, c'est le vedettariat, se montrer, sortir, faire des photos. Je me sens mal
à l'aise avec la médiatisation. J'ai besoin de vivre "normalement"
pour garder des contacts humains. J'ai l'impression que je suis moins idiot".
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"Pourtant, vous donnez l'impression d'être en dehors du monde réel
?"
-William Sheller : "La musique, ça mène
à la solitude. S'embarquer dans une partition, c'est comme prendre la mer
pour un marin : le désert. J'ai besoin d'être seul dans la maison
pour travailler. Pour mon entourage, c'est infernal. La solitude est nécessaire,
en même temps, je m'en plains".
- "Votre
approche musicale est sensible au romantisme. Y-a-t-il une époque à
laquelle vous auriez aimé vivre ?"
-William Sheller
: "Au XIXe siècle, qui, pour moi, correspondait à l'ouverture
de l'âme au contraire du XVIIIe siècle et des Lumières, qui
était trop cartésien. Le XVIIe, lui, a apporté l'orgueil
dans la musique".
- "Indies
(Les millions de singes), c'est une chanson sur les origines de l'homme ?"
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William Sheller : "Je la vois davantage comme une fable, qui dit que nous
ne sommes que de petites gens qui s'agitent pour leur identité. Des singes
évolués. Arrêtons de nous prendre pour je ne sais quoi : l'argent
qui spécule sur l'argent, tel un immense Monopoly, et qui ne peut que se
casser la figure. C'est un système qui ne tient pas sur des réalités.
C'est effrayant. Tout artiste est témoin de son temps".
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"Et Misses Wan, c'est un souvenir d'un voyage en Asie ?"
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William Sheller : "C'est de la bande dessinée. C'est Yves Jaget, le
co-réalisateur de l'album qui a écrit cette mélodie. Elle
m'a fait penser au dragon joyeux des restaurants chinois : on a fait quelque chose
d'asiatique un peu à la Blade Runner. A l'origine, c'est une chanson
que nous avions composée pour Nicoletta".
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"C'est un album plutôt mélancolique dans sa tonalité.
Pourquoi tant de tristesse ?"
- William Sheller : "Peut-être
ai-je été traumatisé par le tube Rock'n'dollar et
son "Donnez-moi madame s'il vous plaît du ketchup pour mon hamburger"
! Ça m'a permis de m'installer mais on attendait toujours le gars qui
allait chanter en larges pantalons et qui ferait rigoler. Je ne regrette pas mais
ça m'a enfermé dans un style dont j'ai voulu sortir. J'ai un penchant
mélancolique effectivement".
- "Êtes-vous
fier de votre parcours ?"
-William Sheller : "Très.
Cela me satisfait d'avoir la chance de faire un métier que j'aime, de vivre
de ma plume et de ma musique. J'ai le bonheur de continuer à diffuser des
chansons que j'avais écrites il y a vingt ans. Je suis fier de rester dans
la mémoire des gens. Ça me rend heureux".
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Les Machines absurdes, distribué par Universal-Mercury.