Sud presse (groupe)
19 avril 1999
-concert piano-solo du 16 avril 1999 au Palais des Beaux-arts de Charleroi-

En piano solo au Palais des Beaux-Arts
William Sheller, simplement

(par Patrick Vanesse)




Vendredi soir, William Sheller est venu faire un petit coucou sympa au public carolo. Dernière date d'une tournée en solitaire au cours de laquelle Mister Symphoman nous a reçu comme à la maison.

Une bûche dans l'âtre. Un doux fumet de thé Darjeeling se dégage d'on ne sait où. Un piano à queue trône au milieu d'une pièce intime garnie de 1.800 sièges en velours rouge : le Palais des Beaux-Arts de Charleroi. D'une décontraction touchante, William Sheller nous invite à prendre place dans la ouate de son salon. Bienvenue au cœur de sa création.
Son piano est une salle d'accouchement d'où les notes s'échappent comme les cris d'un nouveau-né. Seulement ici, les nourrissons grandissent en chansons. Des chansons qui lui ressemblent à ce jeune papy aux traits juvéniles et ronds comme une bouille de Tintin. Des chansons nobles et sentimentales. Et c'est à l'histoire de leur naissance que William Sheller nous initie pendant deux petites heures. Dès les premiers accords plaqués sur son piano, simplement, rien qu'en l'écoutant, il nous donne envie de le suivre, jusqu'au bout de son récital. D'aller aveuglément jusqu'au bout de cette rétrospective réduisant, pour l'occasion, vingt-cinq années de carrière en une vingtaine de tubes. D'entendre jusqu'au bout ce qui est un peu de son histoire. Et aussi un peu de la nôtre, forcément.
Quelque peu intimidés par l'intimité imposée par le chanteur, les spectateurs remplissant la grande salle des Beaux-Arts ont suivi le concert avec une attention quasi religieuse, frappante pour ce genre de manifestation. Surréaliste, parfois. En tout cas, empreinte d'émotion et de respect pour cet artiste à taille humaine, révélant ses failles et ses trous de mémoire avec une adorable bonhomie et un humour de bon aloi.

Sheller fait la chanson

Un petit personnage qui « shoote dans des boîtes de bémol » ouvre le bal Sheller. Son Symphoman plane comme un jumbo entre les murs du PBA récemment offerts à une meilleure acoustique. Et ici, elle se révèle tout bonnement excellente. La voix de sieur William et son piano nous entraînent dans des mélodies voluptueuses dont il a seul le secret. Et son chemin de notes nous conduit dans un endroit où il fait bon vivre, pas très loin finalement de la félicité.
Les histoires des chansons de l'oncle William surgissent parfois de souvenirs d'enfance. Une soupe aux poireaux préparée par une vieille bretonne, amie des parents Hand (le véritable patronyme du chanteur), lui a inspiré Nicolas. Une biche en faux plâtre aux couleurs barométriques, soigneusement posée sur le téléviseur d'un camarade de classe, a donné naissance à Basket-ball.
Sheller fait la chanson en observant aussi l'étrange banalité du quotidien : la pluie qui fait Les miroirs dans la boue, le tic-tac d'un réveil qui lui chuchote Les mots qui viennent tout bas. Il écrit Une chanson simple pour implorer la clémence de celle qui l'a laissé sur le palier, les valises sous le bras. Il couche Les filles de l'aurore un matin, au retour d'une méchante guindaille.
D'anecdotes en confidences badines, d'ami à amis, William Sheller s'achemine tranquillement vers la fin de son spectacle. Vers la fin de sa tournée. Interminables rappels. Le public enthousiaste le fera revenir quatre fois à son clavier. Simplement s'inscrit en post-scriptum du Carnet à spirale. Sa mémoire flanche sur Petit comme un caillou, mais il ricoche avec un  Genève improvisé et réclamé par des voix venues de l'intérieur de la salle. Et enfin, le manteau sur le dos et la mallette bouclée, prêt à partir, il revient nous susurrer Une chanson qui te ressemblerait qu'il dédie au bébé de quatre mois dont il est le grand-père. Un homme heureux, Sheller.