Quel appétit ! Après
avoir terminé l'année avec une tournée de dix concerts à
travers la région parisienne, notre soprano nationale Françoise
Pollet remonte au créneau avec deux récitals, le 10 mars, à
Gaveau, et le 23, au Théâtre Romain-Rolland de Villejuif. Si les
programmes comportent quelques œuvres communes, le premier sera accompagné
par Bruno Fontaine et le second par Anne-Marie Fontaine.
N'y voyez pas qu'une
différence de prénoms ! Lundi, Salle Gaveau, la diva a décidé
de se lancer dans le mélange des genres : après avoir fait sa prière
avec le Vissi d'arte de la Tosca et le Pace...pace
de La Force du destin de son cher Verdi histoire de satisfaire ses fans,
elle passera à la chanson après l'entracte avec Kosma, Trenet, Brel
et... William Sheller, qui lui a concocté trois mélodies. Poulenc
avec Les Chemins de l'amour, Weill avec Surabaya, Gershwin et
Bernstein serviront d'habile transition.
Tango
exquis
Elle n'en est pas vraiment à son coup d'essai
: l'an passé déjà, la diva avait abordé la chanson
chez Lamoureux. «Mais l'orchestre me permettait de souffler un peu.
Cette fois, il faudra tout enchaîner» dit-elle. Mais il en faut
plus pour l'effrayer. Pourtant, elle avoue que longtemps elle n'a pas osé
sauter le pas. «J'ai toujours été attirée par la
chanson et fascinée par ces grands diseurs que sont Trenet, Brassens ou
Brel. Cora Vaucaire m'a beaucoup impressionnée. Mais je pensais que la
chanson était l'affaire de spécialistes. Aujourd'hui, je n'ai plus
peur. Je pense qu'une voix travaillée peut apporter quelque chose à
la chanson. J'ai remarqué que le public aimait bien que je chante
Les Feuilles mortes en bis. Comme j'aime ça moi aussi, je ne vois pas
pourquoi je ne me ferais pas plaisir».
Françoise Pollet
refuse donc de tomber dans le piège de la séparation des genres.
Chanter les grands standards comme La Mer de Trenet, Quand on n'a
que l'amour de Brel ou Les enfants qui s'aiment de Kosma, c'est
une chose. Passer commande à William Sheller en est une autre. Cela suppose
une complicité entre l'auteur et son interprète.
«William
et moi, nous nous sommes rencontrés autour du micro de Jean-Luc Hess à
France-Inter. Et le journaliste a joué les présentateurs. Il m'a
demandé si j'accepterais de chanter des chansons de Sheller, puis, lui
a demandé s'il accepterait de m'en écrire. Nous avons dit oui...
Je lui ai envoyé mes disques de mélodies de Duparc pour qu'il se
familiarise avec les couleurs de ma voix. Il m'a écrit trois chansons dont
un tango que je trouve exquis. Nous comptons bien ne pas en rester là.»
Elle
n'en dira pas plus sur leurs projets communs. En revanche, elle avoue son intention
d'enregistrer un CD de chansons françaises composées pour elle par
des auteurs compositeurs, d'Etienne Roda-Gil à Pierre Delanoë en passant
par Jean-Jacques Goldman : messieurs, à vos plumes.
Celui qui n'est
pas son copain, c'est le patron de l'Opéra de Paris: «Pour M.
Gall, dit Françoise Pollet en haussant le ton, les chanteurs français
sont bons pour les petits rôles. C'est un choix après tout. Je trouve
cela injuste. Je comprends qu'il fasse chanter les premières du Chevalier
à la rose de Strauss à Renée Flemming. Il serait élégant
et astucieux de laisser les dernières à une Française qui
chante La Maréchale sur les principales scènes allemandes.
Non ?»
Ce qui la fait bisquer, c'est de devoir se produire à
l'autre bout du monde, alors qu'elle rêve de chanter dans la ville qu'elle
habite pour voir sa fille davantage. «Enfin, soupire-t-elle, on
me remettra des décorations quand je ne pourrais plus chanter. C'est comme
Régine Crespin qui a certes chanté à Paris, mais a connu
ses plus grands succès à l'étranger.»
Cela
dit, Françoise Pollet s'en fiche depuis que l'Unesco a fait d'elle une
«femme mythique». «Pas plus tard que lundi dernier. J'ai
même dû chanter pour la circonstance.» Un mythe chantant,
en somme.