Le Matin
24 mars 1995

D'hier à demain
(par Madeleine Gabioud)


 Sheller, l’as du rock de chambre, explore sa citadelle des rêves et nous offre une Olympiade particulière. Classique, mais noble.

Avec son air de gentleman triste et son look d’arlequin branché, Sheller débarque souvent là où on ne l’attend pas. Frère de chant et de trajectoire d’une certaine Catherine Lara, William, l’homme heureux, a d’abord évolué dans des sphères très classiques, avant de prendre le chemin du grand public par la voie plus  prolo de la pop ou du rock’n’roll. Zappeur aux multitalents toujours en quête de nouveaux horizons, Sheller le troubadour nous gratifiait, l’an dernier, d’une Symphonie en trois mouvements et d’un Albion, CD ultraélectrique, trop peut-être... Aujourd’hui, arrière toute ! Délaissant sa perfide Albion au rock très touffu, aux guitares envahissantes, l’auteur-compositeur-chanteur renoue soudain avec ses premières partitions.

Scène et variations
Loin, très loin des brumes de cette Angleterre qu’il nous contait en musique, l’équilibriste farfouille dans son album souvenir. Résultat : une Olympiade tout en nuances, classico-rock, sobre et belle. Entouré d’une pléiade de 19 musiciens acoustiques, Sheller, revisite ses plus belles œuvres, les module en public et sans bémol. Chef d’orchestre, il fait et défait ses formations au gré de son inspiration et des 24 moments musicaux qu’il a choisi de décliner. Ici, un quatuor à cordes habille Maman est folle ; là, une trompette dialogue avec le piano (Un homme heureux) ; là encore, les vents enluminent le superbe Carnet à spirale... Bref, jamais en panne de fantaisie, Sheller réaménage, raconte, ne gardant d’Albion, le dernier-né, qu’un titre : La Navale. Le touche-à-tout renierait-il ses écrits d’hier ? Ou n’est-ce qu’un sage calcul, sachant que ce disque n’a pas récolté les suffrages espérés ?

« Belle » surprise
Côté petites surprises, Sheller les distribue parcimonieusement. Sur ses plages, il invite une revenante : Marie-Paule Belle, « sa copine » parisienne, à qui il lègue L’homme que je n’aime plus, chanson triste et sentimentale soutenue, exclusivement, par les accords sombres d’un piano tout noir. Autre pinson vedette convié : la comédienne Micheline Dax qui, ô stupéfaction, siffle un Aria qui nous laisse sans voix. Bel instrument, dame Dax !
Enfin... Un pied dans l’enfance, Sheller s’offre et nous offre un gadget kitsch en diable. Pour emballer son double live, il a choisi un carton couleur nuit dans lequel il a enfermé un mini-Olympia en relief. On se fait un petit caprice ?

* Olympiade, distr. PolyGram