Le triomphe en « homme heureux » et dans la solitude du piano. le bide en rocker grandiloquent avec son dernier album Albion : William Sheller chante samedi à Genève et dimanche à Montreux, avec une vingtaine de musiciens.
C’est un homme étrange et blond. L’air un peu triste, lunaire, cheveux ras et désirs symphoniques. William Sheller est du genre qui surprend. Un chanteur inattendu, démarrant sur malentendu : Rock’n’roll Dollar et du ketchup dans le hamburger, de l’essence pour le chopper. Catalogué ainsi dans les idiots tendance BD, Sheller oscilla ainsi quelques temps entre rock et ballade, sucre jazzy et envies violoneuses.
Et puis des doutes. Ce type qui parle du Mozart-soda et qui joue pas mal au basket-ball, qui mâtine ses chansons de références aux grands du classique, de contre-chants romantiques, monte sur scène en compagnie d’un quatuor à cordes. Des envies de Nouveau monde, aussi, entre grandiloquence pop et wagner fluet. Pour aboutir enfin, un peu par hasard, au triomphe absolu d’Un Homme heureux, en 1991. Par hasard, cette formule du piano solo est le résultat d’un incident de frontière. Les instruments de ses acolytes ayant été retenus à la douane, Sheller dut se résoudre à tenter pour un soir l’aventure en solitaire. Il y prit plaisir, récidiva, en fit un disque, un succès, un ras-de-marée, « Je veux être un homme heureux », les Victoires de la musique.
Son dernier disque, Albion, fit cependant un bide l’an dernier. Fidèle à une envie de ne pas s’enfermer, à des désirs permanents « d’antirouille », Willy le blondasse s’y promenait du côté d’un rock plus lourdingue que puissant, plus kitch que grandiose : on ne lui fera évidemment pas le reproche d’avoir tenté une nouvelle aventure, même s’il s’y montra peu convaincant.
Sa tournée actuelle devrait lui permettre de couvrir un large répertoire, et -qui sait ?- de faire mieux apprécier ses chansons les plus récentes. Sheller est annoncé à la tête d’une vingtaine de musiciens. Si un orchestre symphonique l’accompagnait en 1990 au parisien Palais des Congrès, il a opté cette fois pour la formule mixte classico-rock. Ses compères sont pour la plupart d’origine belge, manient les cuivres ou les cordes, cela derrière une rythmique estampillée rock (guitare, basse, batterie). Le guitariste devrait d’ailleurs susciter la curiosité : il s’agit du propre fils de Sheller, Siegfried, dit Ziggy.
Une telle formation devrait permettre au chanteur de revisiter ses chansons en des versions fort différentes de leur version studio. William Sheller est un concertiste qui préfère à chaque fois le défi à l'immobilisme, le risque à l’énumération de ses tubes : c’est ainsi qu’il chante, en homme heureux, les solitudes et les déchirures humaines.
* Concert à GENEVE, Grand Casino, samedi 10 à 20 h 30, puis à MONTREUX, Auditorium Stravinsky, dimanche 11 décembre à 19 h.