Quand le noir se fait, les témoins lumineux des projecteurs éteints picorent l’ombre et laissent en suspens un petit matelas d’étoiles. Quand les feux de la rampe se rallument, il y a sur scène ce drôle de Riquet à la houppe avec des chaussures noir et blanc, ce crooner de B.D. de la chanson française à qui Barbara a dit un jour : « Ça n’est pas grave si tu n’as pas de voix. L’important, c’est de dire les choses. »
Depuis, Sheller a trouvé sa voix : taillée dans l’argile, rêveuse, vaguement ailleurs. Et quant à dire les choses, ce n’est jamais de la même façon. Il y a quatre ans par exemple, sur cette même scène de l’Olympia, Sheller était seul au piano. Or cette fois, pour chanter Les petites filles modèles, Basket-ball, Oh ! j’cours tout seul, Un homme heureux ou Les Orgueilleuses, il a mis du vent dans ses voiles et des cuivres dans la pénombre. Ils sont vingt musiciens sur scène, qui au violon ou au violoncelle, qui au cor d’harmonie, à la trompette ou à la clarinette. C’est Sheller classique, Sheller symphonique ; c’est aussi, de temps en temps mais rarement, Sheller électrique. Alors la guitare de son fils Siegfried montre son pif, écrit son riff, et disparaît.
Des histoires, toujours des histoires
Non, décidément, ce que Sheller fête à l’Olympia jusqu’au 30 octobre, ce sont les noces de la rime et de la symphonie. Il y a des fumets de Vivaldi, du Mozart qui flâne, un saxo en balade, des pizzicati de passage, d’étonnants bricolages. Ce sextuor à vent, par exemple, sur Le Carnet à spirale. Ou un quatuor à cordes sur Maman est folle. Enfin, il a des histoires, toujours des histoires. Celles de l’oncle William qui se souvient de son enfance, qui n’a pas oublié ses rêves, ni rien digéré de ces fades dimanches où l’on plonge la main dans le « mélange familial » de gâteaux secs et immangeables. A chaque souvenir sa chanson.
Enfin Sheller s’efface. Le premier soir, il a cédé la place à Micheline Dax qui a sifflé une aria. Elle reviendra demain et les deux dimanches qui suivent, en matinée. Dans la seconde partie du spectacle, un élève d’Alice Dona, Olivier Bron, chante deux chansons superbes et dans la seconde il y a des accents de Brel.
Ainsi va Sheller, papillon mécanique dans la lumière, mais tellement heureux, ça se devine, quand il déplie ses ailes, quand il déploie ses airs.
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William Sheller, jusqu’au 30 octobre à l’Olympia, du mardi au samedi à 20 h 30 et les dimanches 23 et
30 octobre à 17 heures.