Gala N°70
13 octobre 1994

FACE A FACE/Marie-Paule Belle-William Sheller
« Nous sommes de vrais dingues de musique »

(par Grégoire Colard)

 

L’ « Homme heureux » sera à l’Olympia, du 18 au 30 octobre. Il a convaincu « La Parisienne » de remonter sur scène, à partir du 8 novembre, au Théâtre de Dix-Heures. Rencontre.

William Sheller répète avec ses musiciens au centre culturel La Merise, à Trappes. Marie-Paule Belle, qui sera présente à ses côtés à l’Olympia le temps d’une chanson, lui a rendu visite.
- Marie-Paule Belle : « Tu as l’air en pleine forme, rajeuni même… »
- William Sheller : « Comme le dit ma chanson, je suis un homme heureux. Et puis, je t’avoue que je me suis fait faire un lifting. Je ne supportais plus mes cernes sous les yeux. J’ai pensé que, par rapport au public, c’était une politesse de les faire disparaître. Mais toi aussi, tu as l’air épanouie, maintenant ».
-Marie-Paule Belle : « Moi, c’est un lifting moral que j’ai subi [rires]. Je reviens de loin ! Ces dernières années ont été dures. Les radios et les télévisions m’ont oubliée. Je n’ai pas supporté cette traversée du désert. Alors j’ai fait une véritable dépression. C’est Madly, la compagne de Jacques Brel, qui m’a aidée à remonter la pente. Ça a été long, car j’étais vraiment meurtrie, blessée même. Mais je me souviens que toi aussi, en 1980, tu avais disparu. »
- William Sheller : « Oui, mais ça venait de moi. Après mes deux premiers albums, Rock’n’dollars et Dans un vieux rock’n’roll, j’en avais assez d’être cloisonné dans la musique "variétés pop". Je suis comme un cuisinier : je propose des entrées, mais aussi un plat principal, des desserts et, en plus, j’ai envie de mitonner toutes sortes de recettes. Par ailleurs, le travail en studio me paraissait fastidieux. Je me suis donc arrêté un moment. C’est Nicoletta qui m’a dit : "Fais de la scène et ta vie changera !". C’est ce qui est arrivé. Maintenant, je n’aime que cela, au point que, pour l’enregistrement de mon prochain album, je demanderai à plein de gens d’y assister. Pour retrouver la chaleur des concerts. »
- Marie-Paule Belle : « Justement, pour ton spectacle à l’Olympia, je vois que tu seras très entouré. Tu as vingt musiciens ! Pourquoi ce choix, alors que tu étais toujours seul sur scène, ou avec juste un quatuor à cordes ? »
- William Sheller : « J’ai voulu une formation à géométrie variable. Ils m’accompagneront à trois ou quatre quand je chanterai, et ils joueront tous pour interprèter mes musiques de films, comme L’Ecrivain public. »
- Marie-Paule Belle : « Et puis, il y a ton fils avec toi sur scène. »
- William Sheller : « Siegfried est "l’apprenti" du spectacle, même s’il joue fort bien de la guitare. Il est là pour regarder, pour participer, mais surtout pour apprendre. Il a vingt-et-un ans et j’ai l’impression de lui passer le relais, comme font les Compagnons. Si tu avais des enfants, tu ferais la même chose, non ? »
- Marie-Paule Belle : « C’est le drame de ma vie, mon grand regret…J’ai eu des amours exceptionnelles, mais pas d’enfants. Alors je soutiens mon petit frère Olivier, qui est musicien, mais ça l’agace un peu. Toi aussi, tu donnes sa chance à un jeune chanteur, dans ton spectacle ? »
- William Sheller : « Oui, il s’appelle Olivier Bron, c’est un auteur-compositeur de vingt-quatre ans et je l’ai découvert au cours d’Alice Dona. Je lui donne un coup de pouce, de la même façon que Barbara, quand j’étais son orchestrateur, m’avait poussé à me lancer : "Vas-y, chante, fonce !" »
- Marie-Paule Belle : « C’est vrai que c’est une question de rencontres. Moi, c’est Jacques Brel, Serge Lama, et puis, après, toi ! J’en profite d’ailleurs pour te remercier. Si, si ! Tu as tellement insisté pour que je remonte sur scène que j’ai accepté d’être début novembre au Dix-Heures avec juste mon piano. J’ai l’impression de tout recommencer, de renaître. C’est un peu une sorte de quitte ou double, mais j’en prends le risque avec un réel bonheur. Chanter me manquait tellement. »
- William Sheller : « Il faut que tu prouves que tu n’es pas qu’une chanteuse loufoque, opérette, mais que tu as surtout une grande dimension d’émotion. Et tu as eu raison de te décider à écrire désormais toi-même tes chansons. »
- Marie-Paule Belle : « Je n’osais pas prendre mon crayon. Après tous les textes merveilleux que m’avait donnés Françoise Mallet-Joris, comme La Parisienne, Berlin des années vingt… »
- William Sheller : « Je ne m’inquiète pas pour toi. Nous sommes tous les deux assujettis à la musique comme des marins à la mer. »