24 Heures
19 février 1994

Sheller en Albion
(par Jacqueline Baron)


Poète et musicien, lauréat des Victoires de la musique, William Sheller débarque chez Nagui avec son nouvel album,
Albion. (Taratata, France 2, 22 h 35).

Aurait-il tous les dons, lui qui évolue du classique au rock, de la chanson de variétés à la musique de film, en prouvant, après s'être amusé à mettre du ketchup dans son hamburger, qu'il sait être poète ? Quelquefois voyant dans ses tenues vestimentaires, William Sheller est discret dans la vie. C'est planqué dans les coulisses avec ses cigarettes, à la soirée des Victoires de la musique, qu'il a appris qu'il était sacré compositeur de l'année pour la musique de L'écrivain public. C'est aussi dans la solitude d'une ferme anglaise, Ridge Farm, qu'il a concocté son dernier CD, Albion. Seul, parmi les moutons, perdu dans le temps, il a, comme toujours, trouvé sa musique avant les paroles, qui ne viennent qu'en dernière minute. Cela donne certaines chansons nostalgiques comme Les enfants sauvages ou  On vit tous la même histoire. Jamais à court d'inspiration, il prépare pour Pleyel une symphonie qui sera jouée à Paris en mars. Infatigable, il a animé un stage de composition à Bourgoin-Jallieu, près de Lyon. « C'étaient des mômes de 20, 27 ans qui, pour les trois-quarts, ne savaient pas lire la musique. Il a fallu trouver un langage commun situé dans l'abstrait. Ils composaient à la guitare, au piano, sur ordinateur. Avec leur matériel obsolète, ils arrivaient à faire des choses. Je me suis dit que, avec celui dont je disposais, je devais me bouger plus que ça ! »
De qui tient-il tous ses dons? De sa grand-mère qui chantait dans un saloon, ou de son père musicien de jazz américain, ami d'Oscar Peterson ? Ou peut-être de sa fréquentation, tout jeune, des coulisses de l'Opéra de Paris où son grand-père créait les décors ? « Je voyais l'opéra du haut des cintres. Et les grosses dames qui chantent avec un casque et une lance, vues d'en haut, donnent de l'opéra une image plutôt marrante. J'avais envie d'une musique qui fasse remuer tout ça. Cette envie ne m'a  jamais quitté. » A 15 ans, faisant fi du lycée, il apprend la composition avec un élève de Gabriel Fauré. Il va aux cours, rentre chez lui, il est toujours seul.

Avec la Duchesse

Par quel hasard devient-il chanteur ? C'est la Duchesse (Barbara) avec laquelle il travaille, qui lui conseille de chanter lui-même ses chansons.
Une bonne idée ! Cela donne un tube (« Donnez-moi, madame, s'il vous plaît...) Comment voit-il la musique? « Ce que je fais, c'est du faux classique. Je suis peut-être mégalomane avec mes envies de machins énormes, mais j'ai été formé dans le respect de ces choses-là. Je n'écris pas au-dessus de ce que je peux faire.» A la fois classique et moderne, le créateur de « Je suis un homme heureux » n'aime pas le clip, même si Mon Dieu que j'aime a reçu le Prix de la meilleure réalisation européenne au MIDEM85. Il préfère « l'imaginaire à l'image ». Prolifique compositeur et auteur de talent, justement récompensé et aimé, Sheller dévoile peut-être sa vraie nature dans ces paroles: « Qui connaît ma nature, peut témoigner sans peine, de sa réserve extrême. »  

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NB : l’émission a été diffusée le soir-même, samedi 19 février 1994