C’était le 24 janvier à Paris, salle Pleyel. Après avoir interprété Mozart, Haydn et Stravinki, l’orchestre des concerts Lamoureux dirigé par le jeune chef japonais Yutaka Sado terminait son concert en exécutant, avec le concours du trompettiste virtuose Thierry Caens, le Concerto pour trompette et orchestre de… William Sheller. Un triomphe : debout, les deux mille mélomanes présents dans la salle ovationnaient, bissaient le troisième mouvement du concerto. « Bien sûr, cela m’a fait plaisir, dit modestement William. Mais pour moi, cette création reflétait surtout l’hommage que j’ai voulu rendre à Thierry, instrumentiste de très grand talent et que j’ai la chance de compter parmi mes amis. »
Une solide formation classique
Après la Suite française, le Concerto pour violoncelle et la Symphonie pour un jeune orchestre,ce Concerto pour trompette et orchestre est la quatrième partition symphonique écrite par William Sheller. Des œuvres pas vraiment surprenantes, quand on sait que celui que l’on surnomme souvent « Le Tintin du clavier » (à cause d’une certaine ressemblance avec le héros d’Hergé) a reçu une solide formation classique, même si le grand public le connaît surtout pour ses tubes comme Rock’n’dollars ou Carnet à spirales. Personnage inclassable, ce lêve-tôt (il est debout chaque matin à 6 heures) évolue depuis bientôt deux décennies en marge du show-business, des hit-parades et des médias. Refusant les étiquettes, il ne se veut ni jazzy, ni funky, ni punky, ni rocky, mais Sheller tout simplement. Son seul objectif : abolir les frontières entre toutes les musiques et tous les publics.
« Mon grand-père était décorateur à l’Opéra, mon père contrebassiste et ma mère adorait le jazz. J’ai commencé le piano vers l’âge de 10 ans. A 12 ans, mes parents, comprenant ma passion pour cet instrument, ont encouragé ma vocation en m’offrant un excellent professeur. J’ai toujours su que je ferais de la musique. Si je n’avais plus de voix, plus de mains, je jouerais du piano avec mes pieds ! »
Et la relève est assurée. Zigfried (18 ans), son fils, est aussi musicien. « Très branché par la new wave et plus particulièrement par le groupe Cure, il compose sur ses synthés. Je respecte ses influences, lui prodiguant seulement quelques conseils lorsqu’il m’en demande. »
Quant à Johanna (22 ans), la sœur aînée de Zigfried, elle travaille directement avec papa. Elle gère en effet la société d’éditions musicales paternelle. Une affaire probablement florissante si l’on en juge par les ventes (400 000 exemplaires) d’Un homme heureux (extrait de Sheller en solitaire), le dernier album de William et qui a également valu à son auteur-interprète une victoire de la musique et l’oscar de la chanson française en 1992. « En raison d’un divorce, j’ai longtemps été séparé de mes enfants, qui vivaient avec leur mère. Mais, comme ils étaient plus ou moins privés de musique, ils sont venus me rejoindre. J’aime la jeunesse actuelle. Elle me paraît beaucoup plus responsable que ne l’était la nôtre. » A 47 ans, c’est sûr, William Sheller est un homme heureux.