Excalibur de William Sheller, vient d’être clippé par Philippe Druillet. Un clip ? Plus que ça : un petit film (6 min) tourné en 3D et fixé sur CDV. Le tout est commercialisé sous la forme d’un coffret comprenant un mini-CD, le CDV, une cassette vidéo de 52 min retraçant le tournage, sorte de film sur le film, et le story-board du clip dessiné et annoté par Druillet. En tout, un collector sur lequel le chanteur monologue ci-dessous.
«Je connais Philippe Druillet depuis 1973. Période psychédélique : lui dessinait à Pilote, moi je venais de sortir un album. Nous avions tous les deux les cheveux longs. Et nous rêvions. On se disait : "Un jour, quand on sera installés, on fera des choses ensemble". Dix-sept ans plus tard, c’est à l’ordre du jour. Nous voilà tous les deux relativement installés. Quand Philippe peint, il est aujourd’hui sûr d’obtenir une expo; et moi d’enregistrer lorsque je compose.
A titre d’essai, je lui ai donc proposé de réaliser le clip de ma chanson Excalibur. Et il s’est passé exactement ce que j’avais prévu. En tant que dessinateur, Druillet m’a proposé un story-board dessiné plan par plan. Le sujet de la chanson, voir même le symbole, comme je le lui avait au préalable expliqué, ce sont les conquérants extrémistes de la lumière qui, lorsqu’ils reviennent de leurs conquêtes, font de l’ombre à tout le monde. Autrement dit, dans Excalibur, le père rentre de croisade où il a élevé des cathédrales, et son fils morfle. Sur cette base, Druillet a extrapolé. Il est parti comme une flèche : rapports père/fils, convive de pierre, etc…Et, personnellement, je me suis contenté de revêtir cette abominable armure de caoutchouc qu’il avait dessinée.
On a tournée ça à l’INA, qui est coproducteur du clip, en quatre, cinq jours, avec une équipe très sympa. Sans problème, ou alors très bêtes : par exemple, le type qui livrait les costumes avait trouvé très marrant de mettre une sirène de police sur sa voiture pour aller plus vite. Evidemment, les flics l’ont arrêté. Il a tenté de faire croire qu’il était de la maison, mais ça n’a pas tenu longtemps. Il a fallu téléphoner partout pour le sortir de ce merdier…
A part ça, l’idée du clip, c’était surtout de faire de l’opéra filmé, du théâtre filmé. On s’est inspiré de Eisenstein, du Métropolis de Fritz Lang… Autrement dit, les personnages sont filmés devant des toiles peintes, avec des jeux de lumières expressionnistes.
Je joue le père. A mon âge, je ne pouvais décemment pas jouer le fils. C’est donc un jeune acteur de dix-huit ans qui interprète le rôle. Mais comme les paroles sont écrites du point de vue du fils, la maison de disques a eu peur que les gens croient que c’était lui qui chantait. Comme si, au bout de quinze ans, les gens ne me reconnaissaient pas… Enfin, bref. Pour régler le problème, on a donc décidé de faire du muet. Et puis de mettre des sous-titres en langage planétaire, du lettrage à la Druillet qui ne veut rien dire.
Au bout du compte, ce n’est donc plus un clip, mais quelque chose de très bizarre. A la fois très contemporain, grâce à l’image 3 D, et de très passéiste à cause du muet, des sous-titres et de ces mouvements de caméra que l’on n’a pas vus depuis trente ans. C’est curieux.
Maintenant, avec Druillet, on a envie de se lancer dans un opéra heroic-fantasy. Avec Diane Dufresne. Ça risque d’être sympa. »