Un archet sur les veines, l’attaque de la partita de violoncelle nous noie sous un flot d’adrénaline. Un opéra-cantate donne écho à des légendes hanséatiques, dans une forêt chromatique claque la bannière d’Excalibur, et soudain, pour l’amour d’un bémol, toute l’onction d’un quatuor. La folie symphonique de William Sheller est une obsession tranquille. Une héroïque fantaisie. Son ambition dans la mangrove de la chanson saisonnière fait de lui un ornithorynque. Un lutin à tête rasée, hiératique dans le pizzicato, prussien dans le maintien, quelqu’ un de noble et sentimental.
Sergeï, La tête brûlée, la musique de « gagaku » (mélodie de la cour impériale japonaise importée de Chine vers le IXe siècle) marquent une plénitude d’inspiration, une réconciliation entre les influences subies. Un arpège de Fauré de la main gauche et un boogie-woogie de la dextre. Avec un chouïa de Stravinsky-vodka.
Loin des idées faciles et des jongleurs de bibelots d’inanité sonore, Sheller poursuit une trajectoire unique, il voussoie l’être cher, porte tenue tropicale et garde au fond de sa mémoire toute la fraîcheur d’un lotissement du ciel. Comment bricole-t-il tous ces collages musicaux à la gomme arabique ? N’attendez pas de Mr William une explication, il n’y a pas d’évangile pour les rêveurs. Il gardera quoi qu’il advienne une réserve extrême.
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- Ailleurs. Philips 842 004
- William Sheller, de Marie-Ange Guillaume. Seghers. 154 pages. 75 francs.