Le Matin
18 septembre 1989

Biographie
Sheller, le touche-à-tout
(par Isabelle Binggell)


Musicien classique, rocker, chanteur : le parcours singulier de William Sheller

Il a pour livre de chevet la partition du Sacre du printemps de Stravinski qu’il relit régulièrement. Faiseur de ballades tendres dans un monde pas si tendre que ça, il chante qu’il « court tout seul ». Mais, depuis longtemps, il emmène dans son sillage un public qui aime ses mots aigres-doux et ses musiques nostalgiques.William Sheller, aidé à ses débuts par Barbara, est un cas à part dans le monde de la variété française. Une biographie accompagnée des textes de ses chansons vient de paraître.
Un jour de 1979, alors que son premier tube Rock’n’Dollars — une histoire de ketchup et de hamburger « écrite pour rigoler » — inonde les radios, un animateur lui demande, à des fins promotionnelles, de cuire une omelette en direct. L’artiste se réveille : « Je n’avais pas étudié Stravinski pendant des centaines d’heures pour chanter en play-back et faire cuire des omelettes à la radio. »
Premier virage : lui, le pianiste de formation classique, tenté un instant par la musique contemporaine, n’a plus envie de jouer les rigolos. Il écrit Dans un vieux rock’n’roll, Oh! je cours tout seul, Photo-souvenirs... Douce mélancolie d’un chanteur qui se révèle. Le public est au rendez-vous et les tubes s’enchaînent : J’suis pas bien, Les filles de l’aurore avec, à l’horizon, un second virage : Sheller réalise un vieux rêve en délaissant ses instruments rock en faveur d’un quatuor classique. Piano, alto, violon violoncelle: le public, surpris, apprécie. « Et là, en piano solo ou en quatuor, j’ai commencé à entendre de très beaux silences dans les salles. » C’était en 1984, depuis Sheller se joue des styles pour chanter ses mots d’amour. Il prépare actuellement un nouvel album qui s’appellera Héroïques fantaisies. Au fil des chansons, Sheller dévoile à demi-mots des sentiments incertains. Tristesse mélancolique jamais désespérée pourtant : « Le pessimisme, c’est la prudence, et ce n’est pas avec la prudence qu’on a découvert l’Amérique... »

«William Sheller», par Marie-Ange Guillaume, Editions Seghers (Poésie et Chansons).