Des Irrésistibles seventies au Nouveau Monde orchestral 87, l’itinéraire en spirales d’un caractériel mi-rock mi-variété attachant.
Seul ou presque à sortir de l’ornière FM, Sheller, après une longue retraite à peine distraite par une confidentielle tournée « quatuor à cordes », propose ces jours-ci au Grand Rex un show « classique » de 17 musiciens. Heureux contraste, si l’on veut, avec l’inévitable et horripilante formule habituelle : pas de guitare hardeuse, de basse funky ou de synthés tocs tenus par l’omniprésente mafia des requins de studios.
En sus de ce nettoyage, on attendait sans trop y croire les Tolbiac Toads, notoire combo d’ex (?)-skinheads parisiens dévoyés (à moins que ce ne soit le contraire ?) par Sheller Sommerville, crâne tondu et voix d’ange, pour Univers son dernier album et qu’on voit s’ébrouer, façon Guerre du feu, sur le clip du Nouveau Monde, single dudit LP.
De fait, avant le début des opérations, quand les décors d’abord laissés dans la pénombre ne laissent deviner qu’une vague jungle urbaine post-apocalyptique classique signée Druillet, que défile une bande-son « industrielle » genre TSF « 1984 » brouillée de sifflements de corne de brume et que s’agitent sur scène de confuses silhouettes porteuses de torches (les musiciens), on peut s’attendre à tout. Mais, dès que le maître des lieux (traîné pasoliniennement sur scène à coups de lattes par des comparses), après son Nouveau Monde chanté en intro, se débarrasse de son lourd manteau de soldat pour révéler l’habituelle veste claire de crooner et que la scène, maintenant illuminée, s’avère un luxuriant et sympathique jardinet, on devine qu’on n’assistera pas à une tentative d’opéra mais à un concert « traditionnel ». Un « récital » retraçant quinze ans de carrière. Orchestration raffinée, piano rhapsodique, musique de chambre aux grosses pompes symphoniques selon les morceaux, arrangements périlleux ou fort lassants : Sheller n’évite pas toujours le complexe pédanto-nostalgique du « concertiste » ou la déviation égotiste du « compositeur » ; ainsi certains développements orchestraux à la limite de la redondance et trop de chansons flirtant autour d’identiques poncifs pianistiques.
On pourra aussi lui reprocher ses paroles résolument « rock français » avec tics de langage parlé (le genre : «J’t’aime pas, j’peux pas…»). S’il ne fait jamais, il est vrai, pire en ce domaine que les Michel Jonasz et Berger, ou autres poètes des ondes hexagonales, il est permis d’espérer mieux. En tout cas depuis que My year is a day, slow imparable de 1968, et la musique géniale d’un navet oublié (Erotissimo) ont fait connaître chez ce Tintin en godillots et pantalons de golf, une autre trempe que celle de la plupart de ses pauvres collègues. William Sheller n’est certes pas le seul de la bande à être sorti pétri de techniques orchestrales d’un conservatoire, mais c‘est sûrement un des rares dans ce registre intéressant par éclairs comme un « Très vieux rock’n’roll ».
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En concert au Grand Rex, jusqu’au 24.