Dans l’appartement de William Sheller, tout est sobre et clair. Lignes pures. Sur sa table de travail, un peu de fantaisie. Des pyramides de toutes tailles côtoient les gadgets les plus hétéroclites. En fond sonore des notes de piano s’échappent de la sono et une mini-fontaine laisse glisser des gouttes d’eau en partition monotone. William Sheller règne sur cet univers de sa voix feutrée et ouatée… pas un mot plus haut que l’autre. Une harmonie douce et lente.
« Monsieur Symphoman » suit une drôle de carrière musicale inattendue et pleine de défis et de rebondissements. Depuis toujours il baigne dans la musique. Son père, contrebassiste de jazz, lui fait découvrir Oscar Peterson, Kenny Clarke… Et à douze ans le petit Sheller ne souhaite qu’une chose, « être Beethoven ». Il fait le Conservatoire, travaille la fugue et le contrepoint, étudie au bémol près Mozart, Rameau, Stravinski, Fauré… Tout le prédestine à faire une carrière classique. Mais non ! Il préfère le rock : « Les Beatles ont été un déclic, j’ai dit à mes maîtres que je partais pour faire du rock. Ils m’ont répondu : "Avec le bagage que vous avez, vous ne pouvez pas faire le saltimbanque" ».
Tant pis pour le prix de Rome ! Sheller fera des tubes : « A l’époque, j’ai fait beaucoup d’orchestrations. J’en ai fait une pour La Louve, de Barbara. C’est elle qui m’a dit : "Tu devrais chanter". »
Sheller se lance alors dans la variété chewing-gum et enchaîne les succès à partir de 1975 avec Rock and dollars. Mais Sheller se lasse : « Je sortais trois 45 tours par an, je finissais par faire une caricature de moi-même. » Prise de conscience, Sheller se rend compte qu’il est avant tout un compositeur. Pourquoi ne mélangerait-il pas les musiques qu’il aime. Wagner et le rock, Stravinski et le jazz ? Il n’a peur de rien, suit son propre goût, son propre chemin. Il part en tournée avec son piano et un quatuor à cordes… succès. Il a enfin trouvé son identité dans la diversité, dans le mélange des sonorités et des rythmes et des musiques classiques et modernes.
Son spectacle à partir de mercredi au Grand Rex et son dernier album Univers sont un aboutissement à ses années de recherche musicale. Sur la scène, dix-sept musiciens, des colonnes grecques enrobées de guirlandes de fleurs, une Cadillac, « c’est à la fois très baroque et très bande-dessinée ». Il proposera entre autres son opéra-cantate L’Empire de Toholl, un grand chant onirique et lyrique.