La Liberté
17 & 18 octobre 1987

Chanson
William Sheller sur scène

"Cessons de nous plaindre"

(par François Ruffieux)

« Ho j'cours tout seul, j'cours et j'me sens toujours tout seul », chante William Sheller. Une situation qu'il a choisie, et un choix qu'il assume depuis une douzaine d'années avec un certain bonheur. Des premiers succès (Rock'n'dollars en 1975, Dans un vieux rock'n'roll, 1976, Symphoman, 1977) jusqu'au récent et somptueux Univers, une trajectoire, une ambition qui font de ce quadragénaire à la bille de Tintin un personnage à part dans le monde du spectacle.

« Je refuse la politique de reconcentration que mènent les maisons de disques. Les chansons actuelles s'écrivent presque uniquement sur une musique à danser, et on ne tend qu'à refaire ce qui a connu le succès, ça tourne en rond. »
Une enfance bercée par le jazz, pétri de conservatoire dès la prime adolescence, Sheller entre dans le métier aux côtés du rock. Mais très vite, des teintes classiques viennent embellir sa palette. Quelques disques, puis la scène, et les tournées : seul au piano, ou avec un quatuor à cordes, ou comme actuellement à la tête d'une formation plutôt classique de quinze musiciens. Il n'en faut pas plus pour que certains producteurs parlent de lui comme d'un fou, d'un rêveur. Bien sûr, Sheller semble voguer à l'encontre du « bon sens » commercial qui seul paraît aujourd'hui prévaloir. Peut-être, en ne faisant que ce qui lui plaît, sans concessions, est-il simplement en avance. Pourtant le spectacle existe, avec ses décors de BD (ville flamboyante ou jardin verdoyant), sa mise en scène, son éclat et aussi quelques faiblesses. Mais avec partout la présence de Sheller au piano, chantant ses textes à l'écriture précise, imagée, tout en discrétion et en ciselures. Reflets d'enfance, amours pudiques, du Carnet à spirales à Nicolas jusqu'aux dernières perles que constituent Les Miroirs dans la boue ou Le Nouveau Monde.
Sheller antistar ? « Ça n'existe plus vraiment les stars, ou alors Madonna en est une, impliquée dans son travail jusque dans sa chair. » Quant à ses pairs, Sheller n'est pas tendre: « Il faut que les artistes arrêtent de se plaindre. Beaucoup de cabarets sont vides, chacun veut tout de suite être une vedette. Mais il ne faut pas avoir peur de faire l'apprentissage de la scène dans de petits lieux, même si on met plus de temps à se faire connaître, par le bouche-à-oreille. »
Il court, il court, William Sheller. Tout seul peut-être, mais ceux qui ont vu son spectacle, eux, savent qu'ils seront toujours plus nombreux en rendez-vous d'un nouvel Univers