Entre klassik et wock’n’woll, entre Paris et Bruxelles, son cœur balance.
Mesdames et messieurs, voici « l’adult oriented chanson française » !
Il y a eu le Sheller de Rock’n’dollars : un petit blond bizarre dans des fringues bizarres ; il y a eu le Sheller touchant de Symphoman, J’suis pas bien et tant d’autres ; puis il y a eu le Sheller classy avec son piano et son quatuor.
Univers, son huitième album, présente un Sheller plus musicien que chanteur qui a fait la part belle aux cuivres, aux cordes et aux envolées instrumentales, allant jusqu’à imaginer un mini-opéra rock assez pompier intitulé L’Empire de Toholl.
Le Tintin de l’hexagone se rappellerait-il soudainement qu’il est tombé dans la potion classique quand il était petit et ne peut donc plus s’en passer ? Déjà que sa période quatuor avait un petit côté précieux merci-mon-cher-petit-doigt-en-l’air assez irritant…
La parole à la défense. « J’ai traîné beaucoup depuis deux ans, je suis allé voir un peu partout, dans toutes les musiques. Je me suis retrouvé dans des squats, dans des endroits infernaux où j’ai rencontré des musiciens qui avaient une branche totalement différente. Pendant que moi, je me trimbalais dans le classique, le rock a continué à évoluer en souterrain, et j’ai rencontré ce qu’est devenue la musique punk et tout un tas d’autres musiques de rock, et j’ai trouvé une énergie formidable. Alors j’ai eu envie d’écrire une sorte d’opéra à partir de cette musique qui collerait bien à des trucs style Wagner. J’ai d’abord posé tout ce qui était cuivres, tout ce qui était image impériale, énorme.»
Tintin chez les punks
« Puis j’ai donné les bandes à un groupe de rock totalement inconnu, les Tolbiac Toads, qui répétait à l’époque dans une vaste usine qu’on appelle "Les Grands moulins de Paris". Je leur ai dit de travailler dessus, comme ils sentaient la chose, puis on est entrés en studio et cela a donné cette histoire. Que j’aimerais bien poursuivre avec des personnages pour faire quelque chose de complet sur scène. Mon prochain album sera un développement de l’approche musicale de L’Empire de Toholl, qui n’est encore qu’un collage de deux musiques. Il y a dans la musique de ces groupes de rock une énergie qui n’a jamais été prise en considération dans des musiques différentes. Cette énergie est un véritable apport qu’on peut utiliser dans l’écriture même des instrumentaux, pas seulement dans la rythmique. »
Eh bien voilà, il suffisait de s’expliquer. Cela dit, l’album dans son ensemble est très varié, on y trouve du Sheller de toutes les époques, la seule constante étant justement l’habillage aux couleurs classiques. « Cet album, pour moi, c’est à la fois le premier et le dernier de quelque chose. Un endroit cheville. J’ai réussi à faire une synthèse que je cherchais depuis longtemps, une écriture qui me permette d’avoir les images que j’aime dans le classique tout en ayant une sonorité vraiment moderne. Et à partir de là, c’est comme un palier. J’ai trouvé où poser mes pieds et maintenant je vais pouvoir avancer plus loin. C’est pour ça qu’il y a comme une sérénité qui se dégage de l’album.»
Assistance ringard
Le parrain artistique de notre Didier Odieu est donc serein. Pourtant, il paraît que la chanson est en crise, au point que les autorités françaises ont organisé fin 86 la « Semaine de la Chanson française ». « Il y a eu l’année, maintenant c’est la semaine. Peut-être y aura-t-il la journée ! Ceux qui disent que la chanson se porte mal voudraient qu’elle revienne à Piaf, Brassens… C’est fini ça. Et en France, il y a toujours deux ou trois ringards qui veulent se faire protéger. Mais les artistes ne sont pas là pour se faire assister par les trucs de la Culture ! Si on n’a pas le moindre danger, on n’a pas de création, il n’y a pas à sauver sa peau. C’est affreux, il faut avoir peur. Et puis ils se plaignent que la chanson française ne passe pas en radio. Quand les chansons sont bonnes, elles passent. J’ai jamais entendu parler de quelque chose de génial qui ne passe pas. »
William Sheller sera bientôt chez nous pour plusieurs soirs, accompagné de cordes et de cuivres. « J’aime bien la Belgique, je me partage entre Paris et Bruxelles. Et puis, je travaille avec une équipe belge pour la scène, les lumières, le son et les musiciens sont Belges. Beaucoup de Liégeois, de l’orchestre symphonique de Liège. »